

Côte d'Ivoire : Amour toxique et cyberharcèlement, l'engrenage judiciaire d'une passion dévorante
le mis en cause (Ph Koaci)
L’histoire aurait pu être un drame shakespearien, mêlant passion, trahison et chute tragique. Elle est pourtant bien réelle, et ses protagonistes ont basculé dans un face-à-face judiciaire illustrant les dangers de la jalousie à l’ère numérique. Tam, un jeune homme décrit par son entourage comme « romantique et idéaliste », vient d’être déféré au parquet pour cyberharcèlement. Son crime ? Avoir menacé un rival amoureux dans une tentative désespérée de sauver une relation en perdition.
Tout commence par une idylle fulgurante. Tam rencontre une femme qu’il croit être l’âme sœur tant recherchée. Leur relation, d’abord intense, se fissure progressivement. Les disputes se multiplient, et la jeune femme prend ses distances. Inquiet, Tam tente de ranimer la flamme, mais un soupçon grandissant le ronge : et si un tiers menaçait leur couple ? Obsédé par cette idée, il se lance dans une enquête intrusive. En fouillant le téléphone de sa compagne, il découvre des appels répétés à un certain KKR. La révélation d’une possible infidélité le plonge dans une rage mêlée de détresse.
C’est alors que la frontière entre chagrin d’amour et délit numérique s’efface. Tam récupère le numéro de KKR et lui envoie une série de messages anonymes, alternant menaces de diffamation sur les réseaux sociaux et avertissements sourds. « Je voulais juste qu’il s’éloigne d’elle », plaidera-t-il plus tard. Mais pour KKR, harcelé nuit après nuit, ces textos constituent une intimidation insupportable. Il dépose plainte auprès de la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC), déclenchant une enquête impliquant le Laboratoire Criminalistique Numérique (LCN) de l’ANSSI.
Les experts retracent rapidement l’origine des messages jusqu’à Tam. Lors de son audition, le jeune homme, visiblement bouleversé, reconnaît les faits. Il explique avoir agi sous l’emprise d’une « jalousie maladive », niant toute intention de nuire physiquement. Ses excuses à KKR, bien que sincères, n’effacent pas l’infraction. Convoqué devant la justice, Tam est poursuivi pour « menace via un système d’information », un délit passible de sanctions pénales selon les articles 61 et 66 de la loi de 2013 sur la cybercriminalité.
Ce cas souligne un phénomène croissant : la transformation des drames intimes en affaires judiciaires sous l’effet des outils numériques. « La facilité d’accès aux données personnelles et l’anonymat relatif des réseaux exacerbent les comportements impulsifs », analyse Me Nathalie Roux, avocate spécialisée en cyberdroit.
Une réalité qui, comme Tam l’apprend à ses dépens, peut conduire des cœurs brisés… directement au tribunal.
Jean Chresus, Abidjan


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