Billon à Koffikro (Ph Koaci)

Le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le plus ancien parti politique du pays, se trouve à un tournant décisif à l’approche de l’élection présidentielle de 2025.

Tandis que Tidjane Thiam, président du PDCI, annonce la tenue en mars d’un bureau politique pour fixer la date de la convention destinée à désigner le candidat officiel du parti, Jean-Louis Billon, cadre influent et ancien ministre, a surpris tout le monde en déclarant directement sa candidature à l'élection présidentielle de 2025 lors d’une visite à Koffikro, dans le Sud-Comoé le samedi 25 janvier 2025.

« Jean-Louis Billon est candidat à l’élection présidentielle de 2025 », a affirmé l’intéressé devant une foule de producteurs locaux, insistant sur le fait que son annonce venait de lui-même : « Je le dis afin que vous ne l’entendiez pas en ville, mais bien de ma bouche. »

Cette déclaration inattendue s’inscrit dans le cadre d’une tournée régionale initiée par les travailleurs des entreprises agro-industrielles, mais elle bouscule profondément la dynamique interne au PDCI, où la désignation du candidat doit traditionnellement passer par une convention.

Cette sortie de Billon révèle les fractures internes qui secouent le parti. Alors que le président du PDCI, Tidjane Thiam, souhaite maintenir une ligne claire et unifiée à travers des processus institutionnels, l’initiative de Jean-Louis Billon est perçue comme une défiance à l’égard de ces mécanismes.

En effet, le bureau politique prévu en mars, selon Thiam, est une étape cruciale pour organiser la convention d’investiture du candidat, un moment attendu pour éviter des tensions inutiles dans un parti déjà fragilisé par des luttes intestines.

Cependant, l'ancien ministre du Commerce semble vouloir prendre les devants en capitalisant sur son contact direct avec les populations et en répondant à leurs attentes.

Lors de sa visite à Koffikro, il a souligné l’importance de rééquilibrer les politiques publiques en faveur des régions productrices comme le Sud-Comoé : « Vous enrichissez le pays, mais vous ne recevez pas ce qui vous est dû. Nous devons bâtir un avenir de paix, de prospérité et de justice. » Ses propos, appuyés par les témoignages de figures locales, renforcent l’image d’un candidat engagé à répondre aux besoins des agriculteurs et à transformer leur quotidien.

Cette démarche, bien qu’audacieuse, a exacerbé les tensions au sein du PDCI. Jean-Louis Billon est convoqué devant le conseil de discipline du parti pour ses prises de position jugées non conformes à la ligne officielle.

Cependant, cette audience a été reportée, un signe des difficultés internes du PDCI à gérer les divergences entre ses cadres. Certains observateurs y voient une tentative de désamorcer une crise qui pourrait nuire à l’image du parti à un moment crucial.

L’attitude de Billon, qui fait fi de la convention annoncée et lance prématurément sa campagne, met en lumière une opposition stratégique entre deux figures majeures du parti.

Tidjane Thiam, reconnu pour sa rigueur et son attachement au respect des institutions, même si lesté par des tares personnelles et politiques, cherche à maintenir l’unité et la discipline au sein du PDCI, tout en consolidant une candidature capable de rassembler.

Le député de Dabakala, de son côté, joue la carte de la proximité avec les populations et de la spontanéité, quitte à bousculer les traditions établies.

Cette dualité pose des questions cruciales sur l’avenir du PDCI. La démarche de Billon risque de galvaniser une partie de la base militante, mais elle pourrait aussi fragiliser l’image de cohésion que le parti tente de projeter.

Pour l'ancien patron du crédit Suisse, le défi sera de préserver l’autorité du PDCI tout en gérant les ambitions personnelles qui menacent de diviser davantage le parti.

Dans ce contexte, le bureau politique de mars sera déterminant. Non seulement il devra fixer la date de la convention, mais il devra également clarifier la position du parti face à cette crise interne. Enjeu majeur : éviter une scission qui pourrait affaiblir la position du PDCI face à ses adversaires politiques lors de l’élection présidentielle.

Si l’audace de Jean-Louis Billon marque un tournant dans la course à la présidence, elle met également en exergue les défis auxquels le PDCI, parti vidé d'un grand nombre de cadres ayant rejoint le RHDP au pouvoir, est confronté.

Le plus vieux parti de Côte d’Ivoire doit réussir à concilier ses traditions et ses ambitions pour espérer jouer un rôle clé dans la présidentielle de 2025. Le choix du candidat sera non seulement une décision stratégique, mais aussi un test de la capacité du PDCI à rester un acteur central sur l’échiquier politique national.

Jean Chresus, Abidjan