Les rues de Bamenda sont inhabituellement calmes ce mardi 31 décembre 2024. Devant le palais de justice, quelques avocats en robe noire discutent à voix basse. L'enlèvement du deuxième avocat général de la Cour d'appel, Nchang Augustin Amongwa, survenu dans la soirée du 29 décembre, a plongé la ville dans une atmosphère de peur palpable.

« Ils étaient une dizaine, lourdement armés », témoigne un voisin qui préfère garder l'anonymat. « Ils ont fait irruption vers 20 heures, nous avons entendu des cris, puis une voiture qui démarrait en trombe. » Le domicile du magistrat, situé dans un quartier résidentiel habituellement paisible, porte encore les traces de violence de cette soirée tragique.

À quelques rues de là, Maître Thomas N., un confrère de la victime, ne cache pas son inquiétude. « Quand même les magistrats ne sont plus en sécurité, qui peut encore se sentir protégé à Bamenda ? » s'interroge-t-il, la voix tremblante. « Nous sommes tous devenus des cibles potentielles. »

Ce nouvel enlèvement ravive les plaies encore fraîches de l'assassinat de la maire adjointe en octobre dernier. Dans son bureau, Amadu Tarnteh, directeur de l'ONG Conscience Africaine, déroule une liste macabre : « Rien que ce mois-ci, trois familles ont perdu leurs proches, faute d'avoir pu payer les rançons exigées. C'est devenu un business macabre. »

Au marché central, la tension est palpable. Une commerçante, Mary, range nerveusement ses étals plus tôt que d'habitude. « Avant, on fermait à 18 heures. Maintenant, dès 16 heures, tout le monde rentre. La nuit appartient aux hommes armés », confie-t-elle en jetant des regards inquiets autour d'elle.

Les forces de sécurité, visiblement renforcées depuis l'enlèvement, patrouillent dans les rues. Mais leur présence ne rassure qu'à moitié une population traumatisée par sept années de conflit. Le gouverneur de la région, joint par téléphone, assure que « toutes les forces sont mobilisées pour retrouver le magistrat », sans pouvoir donner plus de détails sur l'enquête en cours.

En attendant, les habitants de Bamenda retiennent leur souffle. Dans cette ville où les enlèvements sont devenus monnaie courante, beaucoup craignent que cette nouvelle attaque ne soit que le prélude à une escalade de la violence. L'espoir de revoir vivant le magistrat Amongwa s'amenuise à mesure que les heures passent, dans une région où les dénouements heureux se font malheureusement rares.

- Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

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