L'infortuné (Ph KOACI)

Dans la capitale économique ivoirienne, alors que le soleil se lève à peine sur Abidjan, un voyageur monte à bord d'un car de transport d'une compagnie de transport prête pour un trajet qui doit le mener jusqu'à Duékoué.

C'était le samedi 2 novembre 2024 à l'ouest du pays. Le départ se fait depuis la gare d'Adjamé. C’est un voyage ordinaire, dans un véhicule spacieux de 70 places, où les passagers, habitués de cette ligne ou novices, espèrent un trajet calme et sans histoires. Mais pour l’un d’entre eux, ce voyage deviendra une épreuve inattendue, une mésaventure qui le marquera.

À peine installé dans son siège, le passager se retrouve à côté d'un homme bien habillé et avenant. Ce dernier l'aborde avec une courtoisie désarmante, engageant la conversation sur des sujets anodins pour passer le temps. L’homme, souriant, semble amical et propose bientôt à son voisin de partager une boisson. Il sort deux petites bouteilles de jus de ses affaires et lui en offre une, le tout dans une ambiance de sympathie apparente. Le passager, touché par ce geste généreux, accepte sans méfiance la boisson qui lui est tendue. À partir de ce moment, tout bascule.

Après quelques minutes, le passager commence à ressentir une fatigue étrange, plus intense que ce que l’on pourrait attendre d’un simple moment de repos. Ses paupières deviennent lourdes, ses pensées se brouillent, et, progressivement, il s'enfonce dans un état de somnolence profonde, presque irréelle. Quand il tente de garder les yeux ouverts, sa vision se trouble, et il finit par se laisser emporter par ce sommeil accablant. À cet instant, il ne se doute pas que sa journée va prendre un tournant inquiétant.

C'est seulement à l’arrivée du car à Duékoué qu’il reprend vaguement conscience. Mais ce réveil est loin d'être rassurant : son corps refuse de lui obéir. En essayant de se lever pour descendre du car, il se sent comme paralysé. Ses jambes, faibles et engourdies, refusent de le soutenir. Le monde tourne autour de lui, sa tête lui semble lourde, et il sent ses pensées encore embrouillées. Il tente de descendre en titubant mais perd l’équilibre et s’effondre dans l’allée du car, sous les regards étonnés des autres passagers et du personnel du transport.

Alertés par les autres voyageurs, les pompiers civils du Guémon arrivent sur place. Ils constatent rapidement l’état de faiblesse extrême dans lequel se trouve l’homme. Les secouristes le prennent en charge et l’emmènent en urgence au Centre Hospitalier Régional de Duékoué. Une fois sur place, les médecins, après l’avoir examiné, confirment les signes d'une substance qui pourrait l'avoir plongé dans cet état second. Au fil des heures, il reprend progressivement ses esprits.

À mesure que son état s’améliore, il fait une découverte déconcertante : il a été dépouillé de tout l’argent qu’il portait sur lui, soit une somme de 140 000 FCFA. Cette prise de conscience le frappe comme une deuxième claque. Dans le brouillard de son réveil, il réalise que son voisin, si aimable en apparence, était en réalité un escroc, habilement camouflé derrière des manières amicales et un sourire bienveillant. Ce faux bienfaiteur l'a apparemment endormi pour le voler, avant de disparaître une fois son forfait accompli.

Malheureusement, le car, poursuivant son trajet vers Man, a repris la route depuis longtemps, emportant avec lui ce passager aux intentions douteuses, qui s’est peut-être déjà évaporé dans la nature. Ce drame laisse un goût amer à ce voyageur, qui ne pourra sans doute jamais oublier ce voyage entre Abidjan et Duékoué, où la route s’est révélée bien plus périlleuse qu’il n’aurait pu l’imaginer.

Jean Chresus, Abidjan