Gbagbo et Ouattara au palais présidentiel en juillet 2021

Dans un entretien exclusif accordé à Alain Foka, Laurent Gbagbo a fermement condamné l’intention présumée d'Alassane Ouattara de briguer un quatrième mandat présidentiel. 

L’ancien chef d’État ivoirien, désormais à la tête du PPA-CI, n’a pas mâché ses mots en qualifiant cette ambition d'« horreur » constitutionnelle, dénonçant une atteinte grave à l’État de droit.

Pour Laurent Gbagbo, la question n’est pas tant le temps passé par un individu sur la scène politique, mais le respect strict des lois. Selon lui, Alassane Ouattara, en envisageant une nouvelle candidature, commet une faute majeure, car la Constitution ivoirienne stipule clairement qu’un président ne peut exercer plus de deux mandats. 

« Ce n’est pas qu’il soit candidat qui pose problème, mais qu’il brigue un quatrième mandat. La loi est claire, et il est totalement dans l’illégalité », a martelé Gbagbo, sans concession.  

L’ancien président dont le parti ne représente plus qu'à peine 5% des votes (en référence aux dernières locales, ndlr), a rappelé que le président Alassane Ouattara avait déjà enfreint l’esprit constitutionnel en s’imposant pour un troisième mandat en 2020, un acte qu’il qualifie également de faute grave. 

« Non seulement il fait une faute en étant déjà à son troisième mandat, mais il veut amplifier cette faute en allant vers un quatrième mandat. C’est une horreur », a-t-il insisté, exprimant son inquiétude quant à la banalisation des principes démocratiques en Côte d’Ivoire.  

Ce positionnement radical de Laurent Gbagbo intervient dans un contexte politique tendu, à un an de l’élection présidentielle de 2025. Si Gbagbo s’était auparavant montré favorable à l’idée d’une coalition de l’opposition pour faire face à Ouattara, il a révélé dans cet entretien un certain scepticisme quant à la capacité des partis d’opposition à s’unir. Malgré l’appel de Bonoua, lancé le 14 juillet 2024 pour mobiliser autour d’un candidat unique, l’initiative semble aujourd’hui au point mort.  

Gbagbo apparu affaiblit par le poids de l'âge, admet à demi-mot que la réalité politique ivoirienne ne favorise pas un front uni.

 « Ceux qui se sentent une affinité particulière peuvent se regrouper pour désigner un candidat. Mais, tel que je connais les Ivoiriens, ils voudront tous se présenter », a-t-il constaté, suggérant l’éparpillement des ambitions personnelles au sein de l’opposition.  

Outre ses critiques envers Ouattara, Gbagbo a également profité de l’entretien pour pointer du doigt plusieurs irrégularités dans le processus électoral. Il a souligné la nécessité de renforcer la crédibilité de la Commission Électorale Indépendante (CEI), de revoir les listes électorales imparfaites et de corriger les découpages électoraux, qu’il juge subjectifs. 

Il a aussi rappelé qu’il avait lui-même été exclu des listes électorales, malgré la grâce présidentielle obtenue dans l’affaire du braquage de la BCEAO. « Mon nom n’y figure toujours pas, mais je garde l’espoir de participer à cette élection », a-t-il affirmé avec détermination.  

L'ancien prisonnier de la cour pénale internationale (CPI) ne cache pas son ambition de concourir, malgré les obstacles juridiques liés à sa condamnation. 

« Ils n’ont aucun argument valable pour m’empêcher de me présenter », a-t-il affirmé, se disant confiant en sa capacité à se hisser au second tour.  

Avec cette sortie de Laurent Gbagbo, le moins qu'on puisse dire, c'est quelle marque une nouvelle escalade dans le discours politique ivoirien. 

Entre une opposition fragmentée et un parti présidentiel, le RHDP, déterminé à conserver le pouvoir, la campagne présidentielle de 2025 s’annonce sous haute tension. Gbagbo, convaincu de l’illégitimité d’un quatrième mandat de Ouattara, ultra favori des urnes, fort d'un bilan flatteur, et sans opposition véritable et sujet à un nouveau mandat selon la Constitution (depuis l'entrée en vigueur de la 3e République en 2016, ndlr), semble prêt à mener une bataille acharnée pour rétablir ce qu’il considère comme l’ordre constitutionnel.

Jean Chresus, Abidjan