Côte d'Ivoire : Aboisso, des tensions éclatent autour d'un projet d'usine controversé, plusieurs blessés
manifestation à Ayenouan (Ph KOACI)
Une protestation d’élèves du Collège privé Bakary Coulibaly, situé dans la sous-préfecture d’Adaou, dans le département d'Aboisso, a pris une tournure violente le mercredi 9 octobre 2024.
Ce mouvement, à l’origine pacifique, visait à dénoncer la construction imminente d’une nouvelle usine d’huile de palme et de caoutchouc par la société Drafi SA, affiliée à Dekel-Oil. Le projet en question suscite des inquiétudes croissantes, tant au sein de l’établissement scolaire que dans la communauté villageoise d’Ayénouan, en raison des effets environnementaux perçus. La manifestation s’est malheureusement soldée par plusieurs blessés parmi les élèves, ainsi que deux adultes encadrants, un enseignant et un éducateur.
Les événements ont été déclenchés après une réunion tenue au domicile du chef du village avec des experts venus évaluer l’impact environnemental et social de la nouvelle usine. Les élèves, déjà confrontés à des nuisances provoquées par une usine existante de Dekel-Oil située à proximité, ont ressenti le besoin d’intervenir. En effet, ils affirment subir quotidiennement la pollution générée par cette installation, notamment sous forme de fumées noirâtres qui envahissent les salles de classe. Malgré plusieurs tentatives de l’administration scolaire pour alerter les autorités locales sur cette situation, aucune action concrète n’a été entreprise jusqu’à présent.
Accompagnés par un éducateur et un enseignant, les élèves se sont rendus pacifiquement devant la résidence du chef du village pour exprimer leurs préoccupations. Cependant, la situation a rapidement dégénéré lorsqu’un groupe de jeunes proches de la chefferie a tenté de disperser les manifestants. Les affrontements qui ont suivi ont provoqué des blessures chez plusieurs élèves et les deux encadrants. L’enseignant a vu son téléphone détruit, tandis que celui de l’éducateur lui a été arraché par des membres de ce groupe.
Au-delà des blessures physiques, cet incident a mis en lumière une fracture plus profonde entre les aspirations de la jeunesse et les intérêts économiques locaux. Les élèves affirment qu’ils ne s’opposent pas au développement industriel en soi, mais dénoncent la proximité de ces installations avec leur établissement scolaire. Ils craignent que cette nouvelle usine aggrave la pollution atmosphérique déjà insupportable, compromettant leur santé et leur éducation.
Certains villageois soutiennent les revendications des élèves, estimant que leur colère aurait pu être évitée si une consultation publique avait été organisée. Ils reprochent au chef du village d’avoir privilégié des rencontres discrètes avec des experts au lieu d’impliquer l’ensemble de la communauté. D’après un habitant, la population ne s’oppose pas au projet industriel en lui-même, mais réclame un déplacement des usines vers un site plus éloigné du village, car Ayénouan n’est officiellement pas une zone industrielle.
Face à cette contestation croissante, Florent Anoh Gbangni, porte-parole du chef du village, a regretté l’escalade des tensions. Il estime que le dialogue aurait dû prévaloir et qu’il reste encore possible de trouver une solution acceptable pour toutes les parties concernées.
Le lendemain de la manifestation, soit le 10 octobre 2024, un courrier officiel a été envoyé au ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique par les représentants de la communauté villageoise. Cette lettre exprime leur rejet du projet d’usine et dénonce la transformation progressive de leur village en zone industrielle, une évolution qu’ils jugent contraire à leurs intérêts. Les tensions autour de ce projet semblent également alimentées par des enjeux économiques sous-jacents, laissant entendre que certains acteurs locaux pourraient bénéficier de l’installation de cette nouvelle usine.
À l’heure actuelle, la situation reste tendue, et les habitants d’Ayénouan attendent une réponse rapide des autorités. Le sort de cette usine demeure incertain, mais cet épisode souligne l’urgence d’un dialogue plus inclusif entre investisseurs, autorités locales et populations concernées.
Jean Chresus, Abidjan
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