Côte d'Ivoire : L'émergence du phénomène « woubi » face aux résistances de la rue et de la toile ivoiriennes
Manifestation à Abobo (Ph KOACI)
Depuis quelques jours, sur la toile ivoirienne, l'on observe une montée des discussions autour de l'homosexualité, ou le "woubisme", un phénomène qui divise la société ivoirienne.
Le terme "woubi", popularisé dans la culture locale, désigne des jeunes hommes qui se distancient de la masculinité traditionnelle et s'identifient ouvertement comme homosexuels. Cette situation soulève de vives réactions, reflétant une opposition profonde dans la conscience collective ivoirienne face à ces orientations sexuelles non conformes aux normes établies par les coutumes locales.
Au cœur de cette agitation se trouve une question fondamentale : jusqu'où peut aller l'acceptation des différences dans une société où l'essence même de l'existence humaine repose sur le couple traditionnel homme-femme ? Ce modèle de couple, perçu comme l'unique forme légitime d'union par une majorité d'ivoiriens, est inscrit non seulement dans les traditions culturelles, mais aussi dans une conception morale et religieuse qui rejette toute autre forme d'union comme étant contre-nature, malsaine, et contraire aux lois divines.
Contrairement à d'autres régions du monde, notamment en Europe ou en Amérique, où les communautés LGBT+ bénéficient de protections légales et d'une acceptation sociale plus large, la situation en Côte d'Ivoire est tout autre. Le débat s'intensifie particulièrement sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes expriment leur mécontentement face à ce qu'ils considèrent comme une recrudescence de l'homosexualité. Pour ces personnes, voir des homosexuels s'afficher ouvertement et revendiquer leur appartenance à la communauté LGBT+ est une provocation qui heurte leur sens moral. Ils interpellent les autorités ivoiriennes, les exhortant à prendre des mesures fermes pour endiguer ce qu'ils perçoivent comme une menace à la structure sociale et morale du pays.
Cette opposition a récemment pris une tournure plus visible dans la commune d'Abobo, où des manifestations ont été organisées pour exprimer un rejet clair et collectif du phénomène "woubi". Les manifestants, tout en condamnant toute forme de violence physique envers les personnes aux "orientations sexuelles illicites", demandent au gouvernement de légiférer en tenant compte des valeurs traditionnelles. Pour eux, la liberté doit être limitée dans un cadre bien défini qui respecte les fondements moraux de la société ivoirienne.
Cependant, au milieu de cette vague de contestation, certaines voix s'élèvent pour questionner la nature de ce rejet.
Fernandez Joli, un homosexuel ivoirien, dans une vidéo publiée sur Internet, a pris la parole pour évoquer sa propre expérience. Dans un message empreint de regret, il a exhorté les jeunes à ne pas suivre son exemple, admettant que sa vie a été difficile à cause de son orientation sexuelle. Fernandez Joli reconnaît que le choix de vivre ouvertement son homosexualité lui a fermé de nombreuses portes, notamment dans le domaine de l'emploi public, et l'a souvent isolé socialement. Son appel aux jeunes à "quitter dedans et aller à l'école" souligne les défis que rencontrent les personnes LGBT+ dans un environnement socialement hostile.
Pour l'instant, la conscience collective ivoirienne semble mal accepter l'émergence de ce phénomène. La question qui se pose est de savoir si cette position changera avec le temps, sous l'influence de facteurs externes tels que la mondialisation et la pression des organisations internationales pour une plus grande acceptation des droits humains, y compris ceux des personnes LGBT+.
Néanmoins, il est évident que la discussion est loin d'être terminée, et que le débat autour du "woubisme" continuera de susciter des tensions et des réflexions profondes sur la manière dont la société ivoirienne envisage d'évoluer tout en préservant ses valeurs.
Jean Chresus, Abidjan
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