Côte d'Ivoire : Nionfoin (Nord), Conflit autour de l'orpaillage clandestin : Deux localités sur pied de guerre, attention danger !
Orpaillage clandestin sans la sous préfecture de Nionfoin, tension entre deux villages (Ph KOACI)
Dans la sous-préfecture de Nionfoin, au cœur d'une région riche en ressources minières, les villages de Kombolokoro et Wayiri, situés à plus d'une quarantaine de kilomètres de Korhogo, se retrouvent au centre d'un conflit croissant autour de l'orpaillage clandestin. Ce conflit trouve son origine dans la présence de mineurs de pays de la sous- région, engagés par le village de Wayiri pour exploiter les précieuses ressources, une décision contestée avec véhémence par les habitants de Kombolokoro.
Cette partie du nord de la Côte d'Ivoire est caractérisée par un climat aride et une terre peu propice à l'agriculture, mais favorable à la culture de l'arnacade. Les habitants des villages de Kombolokoro et Wayiri ont traditionnellement tiré leur subsistance de cette culture, mais l'essor de l'orpaillage clandestin menace désormais leur mode de vie.
L'orpaillage clandestin, une menace environnementale
L'orpaillage clandestin, une pratique illégale et destructrice, est devenu une source de revenus tentante pour de nombreux jeunes de la région, confrontés à des difficultés économiques croissantes. Cependant, cette activité a un impact dévastateur sur l'environnement local. Les orpailleurs clandestins utilisent souvent des produits chimiques toxiques tels que le cyanure pour extraire l'or des sols, entraînant une contamination grave des terres et des sources d'eau.
Les tensions s'exacerbent
Les tensions entre les deux villages remontent à plusieurs mois, lorsque le village de Wayiri a commencé à accueillir des mineurs d'origine étrangère pour exploiter les gisements d'or clandestins. Les habitants de Kombolokoro disent avoir exprimé leur opposition à cette pratique, affirmant que l'orpaillage clandestin détruit l'environnement local et menace leur mode de vie traditionnel basé sur l'agriculture.
La position de Kombolokoro
Le chef de village de Kombolokoro, M. Yéo Fournan, a catégoriquement rejeté ces pratiques d'orpaillage clandestin sur ses terres. Interrogé en présence des jeunes et des habitants, il a estimé que c'est son village qui a généreusement offert une portion de terre à leurs frères de Wayiri, qui aujourd'hui accueillent les mineurs pour cette activité. Selon lui, cette exploitation sauvage dégrade les terres et compromet l'avenir des générations futures.
"C'est notre terre et c'est nous qui avons installé les gens de Wayiri. Nous sommes des cultivateurs et c'est ce que nos parents nous ont légué comme héritage. Il se trouve que nos frères de Wayiri ont installé des orpailleurs venant d'un pays de la sous- région pour pratiquer l'orpaillage clandestin depuis quelque temps. Nous nous sommes opposés catégoriquement. Nous avons plusieurs fois fait part de cette position aux autorités locales, alertant sur le danger que cela représentait et sur la tension palpable qui existe entre nos deux villages avec l'avènement de ces orpailleurs clandestins. À l'heure actuelle, nous avons des blessés à l'hôpital", a confié le chef du village de Kombolokoro.
La position du chef du village est partagée par les jeunes de cette localité qui sont prêts à chasser "les envahisseurs" de leurs terres.
Selon Yéo Fournigué, parlant au nom du président des jeunes de Kombolokoro, l'orpaillage clandestin est un phénomène qu'il faut éradiquer dans leur localité.
"Nous ne voulons pas de l'or, nous voulons cultiver. Que le gouvernement vienne nous sauver, ces orpailleurs détériorent nos terres et ils viennent nous tuer", a déclaré ce jeune cultivateur.
Tchibenan Soro réclame quant à lui la libération du président des jeunes de Kombolokoro, arrêté et détenu selon lui à la prison de Korhogo dans l'affaire du conflit qui les oppose au village de Wayiri.
Le point de vue de Wayiri
Pour recueillir la version du village voisin accusé d'héberger et de protéger les orpailleurs clandestins, nous nous sommes rendus dans la localité de Wayiri située à 3 kilomètres de Kombolokoro. Le chef de village de Wayiri, M. Djomomplé Soro, entouré de sa notabilité et des habitants, a rejeté les accusations portées par Kombolokoro. Il a affirmé que la question de l'orpaillage clandestin est un prétexte utilisé par les habitants de Kombolokoro pour spolier les terres de Wayiri.
Dans le cadre de notre enquête, nous nous sommes rendus sur les lieux où sont pratiqués l'orpaillage clandestin. Sur place, ce sont plusieurs dizaines de trous d'une profondeur inestimable que nous avons constatés. Des sols détruits par des installations des orpailleurs.
Pourtant, interrogés, les jeunes de Wayiri ont évité la question de l'orpaillage clandestin, préférant se concentrer sur le différend territorial avec Kombolokoro.
Incidents et soupçons de corruption
Malheureusement, notre équipe de reportage a été prise à partie lors de notre visite à Wayiri. Des jeunes révoltés ont tenté de nous empêcher de recueillir des informations, exprimant leur colère envers les médias qu'ils accusent de partialité. Nous avons été secourus à l'arrivée des hommes de la brigade de gendarmerie de Nionfoin. De plus, dans notre enquête, la brigade de gendarmerie de Nionfoin a été souvent mise en cause via son commandant de brigade. Selon les habitants de Kombolokoro, la gendarmerie favoriserait les orpailleurs clandestins qu'elle protège. Les jeunes de Kombolokoro soupçonnent une corruption dans ce domaine.
Refus de coopération
Mentionnée à plusieurs reprises dans les propos, nous nous sommes rendus à Nionfoin, distant de plus d'une vingtaine de kilomètres de Kombolokoro et une quarantaine de kilomètres de Korhogo pour tenter de recueillir les propos du commandant de brigade de gendarmerie de Nionfoin. Cependant, il a refusé de nous répondre, nous indiquant de nous référer à sa hiérarchie pour toute déclaration officielle.
Ce refus de coopération soulève des questions sur la transparence et l'implication des autorités locales dans la gestion du conflit autour de l'orpaillage clandestin. Les habitants de Kombolokoro, déjà méfiants envers les forces de l'ordre, voient ce manque de réponse comme une confirmation de leurs soupçons de corruption et de partialité.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que la situation à Kombolokoro et Wayiri illustre les défis complexes auxquels sont confrontées de nombreuses communautés confrontées à l'exploitation minière clandestine. Alors que les deux villages luttent pour défendre leurs intérêts économiques et environnementaux, il est impératif de trouver des solutions qui tiennent compte des besoins et des préoccupations de toutes les parties prenantes. La tension entre Kombolokoro qui refuse l'orpaillage et Wayiri qui abrite les orpailleurs clandestins risque de dégénérer à n'importe quel moment. Le dialogue et la coopération sont essentiels pour surmonter les divisions et trouver un terrain d'entente qui préserve à la fois les ressources naturelles et les moyens de subsistance des populations locales.
À suivre
Jean Chresus, envoyé spécial
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