Côte d'Ivoire : Phénomène Kadhafi, l'Ordre des Pharmaciens interpelle vivement le chef de l'État et appelle à la fermeture des marchés illicites des médicaments dont le célèbre Roxy d'Adjamé
Les représentants de l'ordre des médecins ce mardi à Abidjan
Un nouveau phénomène dans le milieu de la jeunesse est né en Côte d'Ivoire depuis août 2023. Il a pour nom "Kadhafi". Des jeunes cherchant à imiter la pratique du " Zombie" aux USA, s'adonnent à la consommation de comprimés Tramadol (un opioïde destiné à soulager les douleurs fortes), accompagnés d'une boisson énergisante à forte dose d'alcool (18%). Ces jeunes toxicomanes se lancent des défis, ils font des enregistrements vidéos de leurs activités et les postent sur les réseaux sociaux. Celui qui avale le plus grand nombre de comprimés avec la boisson alcoolisée Vody, se rapproche davantage de l'allure du consommateur de la drogue du "Zombie".
Voici ainsi résumé, le phénomène "Kadhafi" qui s'est emparé de la jeunesse ivoirienne ces trois derniers mois. Pour l'Ordre National des Pharmaciens de Côte d'Ivoire (ONPCI), il n'y a aucun doute. Ce neo-phénomène qui bousille chaque jour le cerveau des jeunes Ivoiriens, est l'une des conséquences du trafic illicite des médicaments sur les populations.
Lors d'une conférence de presse organisée, ce mardi 03 octobre 2023 à la Maison du Pharmacien sise à Cocody-Vallon, la communauté pharmaceutique ivoirienne, par la voix du Dr Arouna Diarra, président de l'Ordre National des Pharmaciens de Côte d'Ivoire, n'est pas passé par quatre chemins, pour dénoncer l'activité de vente illicite de médicaments qui se pratique dans tous les coins de rue sur l'ensemble du territoire national au vu et au su des autorités.
" Ces jours-ci, un phénomène nouveau appelé " Kadhafi" est apparu dans notre pays compromettant gravement la santé de nos jeunes et adolescents, alors que nous sommes en pleine année dédiée à la jeunesse. L'Ordre National des Pharmaciens de Côte d'Ivoire, garant de la légalité et de la moralité professionnelle à travers son rôle de Santé Publique, se doit d'interpeller les pouvoirs publics, les populations, les professionnels de santé et le Président de la République, afin que les mesures urgentes soient mises en œuvre pour éradiquer ce mal pernicieux. C'est pour accompagner la République de Côte d'Ivoire dans les prises de décisions pouvant protéger le bien-être et la santé des populations ", a interpellé l'ONPCI.
Pour ces professionnels de la santé, toute forme de fabrication, de distribution ou de dispensation de médicaments et produits de santé en dehors du circuit légal établi constitue un trafic illicite de médicaments. Ils rappellent que " le circuit légal est la production, la distribution et la dispensation aux populations selon les textes réglementaires impliquant les fabricants, les distributeurs et les établissements pharmaceutiques de dispensation au détail ( officines de pharmacie privée et pharmacie à usage intérieur des hôpitaux). Toutes ses activités doivent se faire sous le contrôle du professionnel de santé qu'est le pharmacien, parce qu'il est le spécialiste du médicament".
Poursuivant, Dr Arouna Diarra président de l'ONPCI a dressé un état des lieux de la vente illicite des médicaments en Côte d'Ivoire. " Dans notre pays, ce phénomène existe et prend de l'ampleur de jour en jour. Le marché emblématique de " Roxy" dans la commune d'Adjamé, en est le symbole visible, mais en réalité, il est pratiqué dans toutes les régions et villes de notre pays. Le trafic est dangereux en ce sens qu'il ne donne aucune traçabilité sur les produits distribués et les conséquences de ce commerce de la mort sont à cinq niveaux. Sur le plan sanitaire, ces produits qui sont parfois contrefaits, surdosés ou sous-dosés, parfois même sans principe actif, sont pour beaucoup dans les insuffisances rénales, insuffisances hépatiques, maladies de la peau, maladies psychologiques, etc. Sur le plan économique, les pertes pour l'économie nationale sont estimées à un peu plus de 50 milliards par an. Au plan social, les drames sociaux sont provoqués, parce que pour traiter une simple migraine, on peut se retrouver avec une insuffisance rénale qui va entraîner plus de dépenses pour les familles et plus de stress social. Au plan sécuritaire, ce trafic est largement plus lucratif que celui de la drogue ( 20 fois plus lucratif selon certaines publications). Enfin, sur le plan environnemental, ces produits qui sont généralement abandonnés ou jetés dans la nature sans processus réel de destruction, peuvent être de véritables sources de contamination, créant ainsi un véritable problème environnemental ", a-t-il présenté.
Dr Arouna Diarra à la lumière de tous ces facteurs néfastes provoqués par les médicaments de rue, a appelé les populations ivoiriennes à faire confiance à la médecine moderne. Il leur a surtout demandé de ne guère se laisser emballer par les propos irresponsables de ces vendeurs d'illusions qui attaquent sur les réseaux sociaux la pharmacie et plus généralement le système de santé moderne sans toutefois proposer d'alternative crédible et fiable.
Les acteurs du monde pharmaceutique en Côte d'Ivoire, ont profité de cette conférence de presse pour faire des recommandations à l'Etat. " Nous demandons à l'Etat de prendre un engagement fort au niveau du conseil national de sécurité présidé par le Chef de l'Etat pour l'éradication du trafic illicite de médicaments en Côte d'Ivoire. Nous souhaitons que soient coupées toutes les sources d'approvisionnement des MQIF et démanteler tous les marchés de vente illicite de médicaments sur toute l'étendue du territoire national, comme les autorités de certains pays comme le Bénin l'on fait, appliquer les sanctions définies dans les lois régissant le secteur pharmaceutique de 2015, 2018 et la convention medicrime contre les acteurs du trafic de MQIF interpellés, accentuer la promotion de la politique d'accessibilité des populations aux médicaments à travers la promotion des médicaments génériques , la substitution, le déconditionnement et la couverture maladie universelle, identifier une seule structure pour le contrôle du circuit des médicaments à usage humain et à usage animal pour faciliter la régulation dans l'intérêt de la santé publique et assurer la prise en charge médicale et psychique des victimes du phénomène " Kadhafi", ont-ils recommandé.
Aux professionnels de la santé, l'ONPCI a intimé l'ordre de respecter les notes d'informations de l'Ordre National des Pharmaciens de Côte d'Ivoire en date du 03 décembre 2018, de l'Autorité Ivoirienne de Régulation Pharmaceutique du 12 septembre 2023 et la note de rappel relative à la dispensation de certains médicaments notamment ceux qui agissent au niveau du système nerveux central. Les pharmaciens de Côte d'Ivoire n'ont pas manqué d'appeler les parents à plus de vigilance et de rigueur dans le suivi de leurs progénitures et à s'approvisionner en médicaments uniquement dans les officines de pharmacie et ne fréquenter que les établissements de santé légaux.
Wassimagnon
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