Côte d'Ivoire : « La dispute ivoirienne du 3ème mandat », Dr Titi Palé : « le débat doit aussi s'ouvrir sur l'épineuse question de la fin de carrière des trois éléphants de la politique ivoirienne »
Titi Palé est chercheure en sciences sociales et consultante. Docteure en anthropologie sociale, elle est auteure d’une recherche sur les femmes victimes de la crise ivoirienne soutenue en 2016 à l’université Paris 8 en France. Egalement docteure en communication de l’université Bordeaux 3 Montaigne, au terme d’une thèse soutenue en 2018 sur les stratégies de la communication politique des candidats majeurs à l’élection présidentielle de 2010 que furent Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Ces travaux ont été publiés aux éditions L’Harmattan à Paris, de même que deux autres études consacrées à la résilience des femmes victimes de la crise ivoirienne et au silence des autorités américaines à la veille ( et pendant ) du génocide rwandais. Elle a signé un dernier livre aux éditions L’Harmattan à Paris qui porte sur la dispute ivoirienne du troisième mandat. Dans un entretien, Dr Titi Palé donne les raisons qui l'ont motivé à travailler sur ce sujet.
«Ce sujet est naturellement venu à moi. (…) Pour cela même, et comme citoyenne ivoirienne et chercheuse spécialiste de la crise ivoirienne, je me suis directement et légitimement sentie concernée et interpelée par la crise préélectorale de 2020. Ce livre est le résultat de mes analyses documentées et surtout menées en observant le jeu des acteurs de première ligne et leurs calculs et attentes idéologiques, stratégiques et politiques ».
Avec ce cinquième livre sur la dispute ivoirienne du troisième mandat, elle traite de l’actualité brûlante d’une crise chaude.
«Toute personne qui s’intéresse aux profondeurs de la guerre civile ivoirienne pouvait avoir, comme moi, le sentiment que la crise préélectorale de 2020 réveillait des vieux démons. Et cela d’autant plus que la permanence des acteurs politique de la crise ivoirienne des décennies 2000 et 2010, faisaient que ceux-ci n’avaient pas passé la main et étaient encore très actifs dans cette crise préélectorale de 2020. En effet, les trois éléphants de cet enjeu d’être Président de la République étaient encore actifs en 2020 : Alassane Ouattara, le président sortant, Laurent Gbagbo, son prédécesseur, et Konan Bédié, l’ancien partenaire gouvernemental devenu principal opposant radical à ADO, un nom de campagne familier et de la campagne électorale du Président Alassane Ouattara. Candidat recalé encore en exil au moment de la dispute préélectorale, Laurent Gbagbo faisait ou entendait scander son nom pour être dans le jeu électoral par les GOR (Gbagbo ou rien), les radicaux de son parti historique, le Front Populaire Ivoirien (FPI). Ni Affi N’Guessan, le président du FPI, ni Guillaume Soro, qui sont deux acteurs majeurs de cette crise préélectorale, ne peuvent se prévaloir du statut d’outsiders ou d’hommes neufs », se justifie, Docteur Titi Palé.
A la question de savoir quel est l’objectif de cette chronique et de cette analyse qu’elle propose au public, l'auteur précise.
«Ce livre peut être considéré comme une introduction ou, si l’on veut, une préparation à ce travail de recherche, pour ne pas dire comme une sorte de « prolégomènes » à des recherches futures. C’est pourquoi nous avons voulu une écriture qui est à la fois une chronique et une analyse. En effet, nous empruntons « chronique » au langage journalistique, l’auteure de ce livre étant aussi journaliste de formation. Dans le Dans ce livre, nous retenons de « chronique » sa racine grecque de « chronos », le temps : le livre recueille les différentes narrations et variations des acteurs, notamment politiques, qui se sont exprimé et ont agi au moment de la crise préélectorale. L’approche par la chronique aide à ne perdre aucune miette de ce temps et de ses différentes narrations. Elle aide à le délimiter rigoureusement et à définir par la même occasion le périmètre pour ainsi déterminer le temps de cette crise lui-même. En même temps, il s’agit d’une analyse, ou plutôt d’une description raisonnée, qui cherche à comprendre derrière ces données et ces observations les logiques, les attentes et les stratégies des acteurs qui agissent. Dans le livre, cette analyse conduit aussi à une projection sur le temps d’après, sous la forme d’une prospective et d’un ensemble de propositions constructives pour une sortie définitive et par le haut non seulement de cette crise et de ses effets, mais également de ses déterminants les plus structurels ».
Docteur ne pense pas qu'en traitant ce sujet, il pourrait créer un malaise chez ceux à qui profitent du pouvoir et affirme également que ce livre n’est pas contre le gouvernement, ni personne d'autre.
«Très franchement, je ne vois pas en quoi le sujet est « sensible » … Ce livre n’est pas contre le gouvernement, ni contre personne d’autre. Il s’adresse à tout le monde, puisqu’il est conçu et écrit pour être un apport citoyen et intellectuel à un travail de fond, qui reste à faire, sur une compréhension froide de la situation de crise, qui est inhérente à toute dispute politique, qui plus est a fait des morts et provoqué ou aggravé des haines anciennes ou nouvelles. De ces haines, on n’est probablement pas encore totalement sorti, dans une Côte d’Ivoire qui, je le répète, est toujours convalescente de sa guerre civile. Objectivement, l’analyse de ce livre est transversale et concerne toute la société ivoirienne. Je suis de la société civile et en tant que chercheuse en sciences sociales, je remplis mon modeste rôle d’écrivain public de la crise ivoirienne».
Selon elle, le livre ne tire pas de leçons mais quelques clés de lecture de cette séquence historique de la vie publique ivoirienne. Dr Titi Palé indique dans cet entretien que le livre a voulu expliciter la dispute ivoirienne du troisième mandat, et elle pense être parvenue à fournir trois clés de lecture pour analyser cet évènement politique de 2020.
«La première clé concerne la communication politique présidentielle. Celle-ci est maîtrisée et satisfaite d’elle-même au moment de l’annonce du départ volontaire de la scène politique, alors même que la constitution de 2016 autorisait le président sortant à demeurer président au terme de son mandat. On a ensuite basculé dans une communication de crise au moment de décider de rester dans le fauteuil présidentiel suite au décès du dauphin désigné, Amadou Gon Coulibaly. La crise s’est d’ailleurs beaucoup cristallisée autour de cette communication qui devenait paradoxale et ambiguë par la force des évènements, les adversaires du président lui reprochant un manque de respect de la parole donnée. La seconde clé est celle de la difficile succession au sein des appareils politiques ivoiriens forgés au cours des deux décennies de crise politique (1993-2011). Il y a en effet un au-delà de la thèse officielle, défendue notamment par le président et ses partisans, qui ne veulent pas prendre le risque de la déstabilisation du pays le laissant aux mains de ceux qui ont précédemment échoué à bien le gouverner, ou à se maintenir au pouvoir. Le livre montre que la structure des partis et des appareils politiques ivoiriens ne permet pas un remplacement au pied levé des leaders désignés. Le maintien en poste d’Alassane Ouattara interroge sur la capacité des cadres de la majorité présidentielle à obtenir la confiance du Président pour prendre sa place. Si Amadou Gon Coulibaly n’est pas irremplaçable, il en faut du temps aux autres pour construire la confiance du Président qui l’avait consacré dauphin. Cette réalité, qui relève autant de la personnification du pouvoir que de la rareté des leaders valeureux aux yeux des chefs, dépasse largement le cadre du RHDP et exige des adversaires du président d’interroger leurs propres capacités à passer la main. Cette problématique se pose au PDCI et a conduit à la crise de légitimité au FPI, avec, paradoxe majeur, la défection du chef historique de ce parti pour poursuivre sa vie politique dans une écurie nouvellement créée. D’où la troisième clé de lecture, qui est analysée, dans le livre, sous le concept de la tentation gérontocratique qui, par-delà la dispute du troisième mandat, guette le pays. Le livre révèle une histoire peu connue de l’âge limite pour concourir à l’élection présidentielle, et qui ressemble à un arrangement entre membres de la catégorie gouvernante, avec feu Amadou Gon Coulibaly comme chef d’orchestre. La polémique autour de cette limitation d’âge est aujourd’hui relancée. Le livre pense que seul le Président Ouattara a les clés pour y mettre un terme par des moyens démocratiques et constitutionnels qui impose la retraite politique bien méritée aux trois éléphants qui dominent la vie politique ivoirienne depuis trente ans », explique l'auteure.
Elle est persuadée que l’avenir de la Côte d'Ivoire est imprévisible, mais la volonté politique doit pouvoir venir à bout de toutes les sources de torsion au vivre-ensemble ivoirien.
«Pour l’avenir du pays, cette crise préélectorale a donné deux signaux. Elle a en effet montré, d’un côté, que le pays n’est pas guéri des considérations subjectives et ethnocentriques des protagonistes du champ politique. Ces facteurs nocifs ont déjà conduit à des affrontements armés pour ne pas guerre civile. Nous ne souhaitons pas pour nos enfants que ces nouvelles crispations meurtrières de l’élection présidentielle de 2020 ne fussent qu’un nouvel épisode des attaques politiciennes au vivre-ensemble »
Selon la Docteure en anthropologie sociale, un travail de fond doit être fait par les politiciens et la société civile pour préserver la paix et l’unité dans ce pays. Pour cela, plusieurs actions politiques fortes sont envisageables.
«Accepter un minimum de consensus et de reprise du débat politique inclusif est un préalable. L’avenir se construit et ne se décrète pas. On doit se parler franchement dès à présent dans la classe politique si l’on veut consolider la perspective d’un avenir apaisé. Reconnaissons-le : les clivages sont forts, mais il faut aller vite dans le sens de l’apaisement. Le débat doit aussi être ouvert sur l’épineuse question de la fin de carrière des trois éléphants de la politique ivoirienne. Il s’agit d’une condition symbolique de l’apaisement général qui doit précéder l’élection présidentielle de 2025, que le président Ouattara a consacré comme un moment d’alternance. L’entrée en scène de nouveaux leaders capables de porter de nouveaux imaginaires politiques et idéologiques est souhaitable. À force de durer, les trois éléphants peuvent obstruer la respiration, et la grisaille s’emparer du pays. Le Président travaille beaucoup et son bilan économique est inattaquable. Politiquement, il doit faire respirer ce pays qui donne l’impression d’être depuis trop longtemps placé sous la coupe d’un trio présidentiel aujourd’hui de plus en plus âgé. Le président Ouattara doit faire la bonne réforme pour limiter l’âge de la candidature à l’élection présidentielle, ou à défaut aider à la retraite politique des trois éléphants. Lui qui était déjà sur le départ en 2020, ne doit pas céder à la tentation d'être encore en course en 2025, tout en fermant le cycle du règne des trois éléphants, qui ne méritent pas d'être bannis et mis à la porte comme des serviteurs indignes du pays . Leur retraite peut être volontaire et non obtenue par contrainte », a-t-elle conclu.
Wassimagnon
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-Mdrrrrrr !!!!!! -Après avoir lu attentivement l'article, je suis arrivé à la question suivante : "tout ça pour ça ??" -Wassimagnon nous a donné les titres et les diplômes de notre chère ANALISTE chercheuse, pour arriver à la conclusion que c'est à cause des présidents Gbagbo et Bédié, et de Dramane que la côte est embourbée dans une crise interminable... -On n'a pas besoin de lire le livre de la chercheuse pour cerner le constituant intrinsèque et central de son soit disant "analyse". Assalé Tiémoko n'a pas fait "d'analyses aussi approfondies" pour arriver à la conclusion que c'est à cause des 3 anciens (sans discernement), que la violence politique s'est installée en côte d'Ivoire à chaque élection. Je le dis avec sérieux. Nous les subsahariens devons nettoyer de nos esprits, le "mythe du diplôme". Un diplômé n'est pas forcément un intellectuel. Même un autodidacte peut être intellectuel. -Je rappelle à notre chercheuse que la rébellion de 2002 qui a plongé la CI dans le chaos a été revendiquée par Mr SORO qui était à l'époque un jeune homme d'une trentaine d'année...bref !! -Chère docteure, êtes-vous sûre que sans les 3 que la violence politique va disparaître "tout à coup soudain" par enchantement ?? -Je ne voudrais pas terminer sans rappeler à notre chercheuse que l'âge limite qui figurait dans la constitution a été retiré par Dramane lui-même. Il a cru que le président Gbagbo était parti à la CPI pour voyage sans retour. C'est donc le retour du Woody qui pousse ses maîtres à demander le retour de la limitation d'âge. Si le président Gbagbo avait cédé à leur pression qui lui demandait de ne plus faire la politique, Dramane et ses soutiens n'allaient pas ressortir cette affaire de limite d'âge. -Enfin de grâce, que la chercheuse nous épargne de son appréciation sur le "BILAN INATTAQUABLE" de Dramane...
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