Burkina Faso : La peur et la stigmatisation liées au coronavirus limitent la riposte
Hésitation à se faire dépister, éviter les personnes chargées de la recherche des contacts ou se méfier de ce que diront les voisins : la pandémie de COVID-19 a déclenché chez certains habitants de Ouagadougou des réactions diverses qui ont rendu la riposte plus difficile.
Lorsque l'équipe nationale d'intervention rapide face à la COVID-19 a tenté d'entrer en contact avec un homme qui avait été en contact avec un patient soigné dans un hôpital de Ouagadougou, il a commencé par refuser de prendre les appels, puis a promis de se présenter pour un test et a pour finir demandé que l'équipe ne vienne chez lui que la nuit.
« Il a dit que depuis que nous sommes allés chez lui pour prendre des échantillons, avant même que les résultats des tests ne soient connus, personne ne venait plus leur rendre visite. Tout le monde les regardait bizarrement. C'était vraiment difficile pour eux », explique la Coordonnatrice de l'équipe d'intervention rapide au Centre médical urbain de Ouagadougou, Safiatou Ouédraogo,
La nouveauté de la COVID-19 et la peur de l'inconnu conduisent à la stigmatisation de la maladie et compromet ainsi la cohésion sociale en poussant la population à cacher la maladie pour éviter la discrimination.
«À cause de la stigmatisation, les gens préfèrent que l'équipe d'intervention rapide ne se présente pas chez eux », selon Safiatou Ouédraogo. « Nous nous sommes aperçus que la réaction des voisins envers la famille chaque fois que nous venions pour prélever des échantillons créait de nouvelles blessures », a-t-elle dit.
Une fois, un gardien de maison qui avait contracté la COVID-19 a refusé de donner sa propre adresse, préférant plutôt utiliser celle de son lieu de travail et les tentatives de joindre les personnes avec lesquelles il aurait pu entrer en contact ont été vaines, se souvient la responsable de l'équipe d'intervention rapide.
Quant à Barthelemy Marie Ludovic Ouédraogo, un proviseur d'école et membre de clergé, il affirme que lorsqu'il a commencé à ressentir une fièvre persistante, il a pris des précautions telles qu'éviter de partager les ustensiles ou participer à la messe avec ses collègues, mais qu'il ne leur a révélé qu'il se sentait malade que lorsqu'il s'est rendu dans un centre d'isolement.
Fournir les bonnes informations sur la COVID-19, s'attaquer à la désinformation et aux rumeurs, et établir la confiance avec les communautés sont des éléments essentiels pour lutter contre la stigmatisation.
De plus, communiquer avec compassion avec les patients atteints de COVID-19 est tout aussi important que de collaborer avec la communauté, les chefs religieux et d'autres personnes influentes pour transmettre les bonnes informations et aider à réduire la peur et la façon dont les gens perçoivent ceux qui sont atteints du virus.
La mise en place de centres où les personnes qui pensent avoir attrapé le virus peuvent se faire dépister plutôt que de recevoir des visites à domicile par les équipes d'intervention permettrait d'atténuer la stigmatisation et la peur, suggère Safiatou Ouédraogo, soulignant également que l'intensification des campagnes d'éducation du public et le recours aux unités de soins psychosociaux dans les centres de santé sont des mesures utiles.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) travaille avec le gouvernement pour fournir des conseils afin de lutter contre la stigmatisation et soutenir d'autres aspects de la réponse à la COVID-19, déclare Dr Fousséni Dao, qui représente l'OMS dans la Commission prise en charge de la riposte au COVID-19.
Selon le docteur Brice Bicaba, Coordinateur national de la riposte à la COVID-19, les patients sont stigmatisés, mais les travailleurs de la santé, en particulier ceux dans les centres de traitement du COVID-19, sont victimes de discrimination de la part de leurs communautés qui craignent que leur travail ne les expose à un risque accru de contracter le virus.
Travailler avec des personnes qui se sont rétablies de la maladie à COVID-19 en intensifiant les campagnes d'information et d'éducation du public et en fournissant des services d'appui psychosocial, dit Dr Bicaba, sont quelques-unes des mesures mises en place pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination. « Nous espérons que tout cela contribuera à atténuer le phénomène. »
A ce jour, le Burkina Faso compte 1075 cas de coronavirus dont 53 décès et 103 cas sous traitement.
Boa, Ouagadougou
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