Les trois victimes (Ph KOACI)

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Le village d’Abatta, dans la commune de Bingerville s’est réveillé dans la douleur et le choc. Trois jeunes hommes, partis avec insouciance à bord d’un vieux canoë kayak, n’ont jamais regagné la rive. Les eaux impitoyables de l'île Désirée ont avalé leurs rires, leurs rêves et leur avenir, laissant une communauté en deuil.

Chris, Jean et Alassane, trois amis inséparables, vivaient d’expédients, se débrouillant dans la maçonnerie et divers petits métiers pour subvenir à leurs besoins.

Ce jour-là, le vendredi 13 décembre 2024 comme pour échapper un instant à la rudesse de leur quotidien, ils avaient décidé d’aller nager. L’embarcation qu’ils ont empruntée, à moitié défoncée, était un choix risqué, mais qui aurait pu prédire l’issue tragique de cette escapade ?

Sur l’île Désirée, ce sont les résidents eux-mêmes, alertés par le silence inhabituel et la dérive du canoë, qui ont plongé à leur recherche. Leurs efforts acharnés ont permis de repêcher les corps, mais il n’y avait plus rien à faire. Les trois jeunes hommes gisaient inertes, victimes d’une nature implacable et peut-être aussi de leur propre désinvolture face au danger.

Les témoins oculaires racontent une scène poignante : une tentative désespérée de se maintenir à flot, des cris étouffés par les vagues, et puis, plus rien. Leurs noms résonnent désormais dans tout le village comme une sombre litanie. Chris, Jean et Alassane, trois jeunes ébrié, emportés si brutalement, laissent derrière eux des familles dévastées et une communauté endeuillée, interrogée sur les limites de l’audace et la fragilité de la vie.

À Abatta, ce drame n’est pas seulement une tragédie personnelle. Il pose aussi une question troublante : combien de vies devront encore être sacrifiées pour que l'on prenne conscience des risques liés à l’insouciance, à la pauvreté, et à l’imprudence ? Pour l’instant, il ne reste que des larmes et des regrets, portés par le courant silencieux du fleuve.

Jean Chresus, Abidjan