Côte d'Ivoire : Jacqueville, crise de chefferie à Akrou, les éclairages du chef de la famille régnante qui sollicite l'intervention du président Ouattara
Ahui Bogui Jacques, chef de la famille régnante (ph KOACI)
Loin d'être plongé dans une histoire de terres comme le font croire certaines personnes, le village de Akrou, situé à environ cinq kilomètres de Jacqueville, risquerait, si rien n'est fait, de sombrer dans une affaire de chefferie. Les autorités compétentes, notamment le ministre de l'intérieur et de la sécurité le Général Vagondo Diomandé et au delà, le chef de l'État, le président Alassane Ouattara, sont vivement interpelés pour éviter que la situation du choix du chef de ce village ne vire à une violente crise communautaire.
Ahui Bogui Jacques, chef de la famille régnante, a fait un large tour d'horizon sur le processus de nomination des chefs à Akrou. Ce dernier, au cours d'un entretien avec KOACI le dimanche 27 octobre 2024, a tenu à éclairer la lanterne de l'opinion sur la situation de crise qui règne à Akrou, et exhorte le ministre Vagondo Diomandé et le président Alassane Ouattara à jeter un regard dans son village, pour ne pas que celui-ci plonge dans le chaos. Il a aussi demandé à Madame le préfet de Jacqueville, Kra Takia Felicité épouse Oula, d'annuler son arrêté de nomination qui risquerait d'apporter plus de division que de cohésion à Akrou.
« Pour la situation d'Akrou, il faut noter que le village a été cofondé par deux familles, notamment, la famille Tchava qui est la famille régnante d'où sortent les chefs de village. C'est à dire que c'est cette famille là qui nomme les chefs de village. Il y'a aussi la famille qu'on appelle Bessy Nimba, c'est là-bas que sortent les chefs de terre. Ce sont ces deux familles là qui ont cofondé le village d'Akrou.
Depuis toujours, c'est la famille Tchava qui nomme les chefs de village. Le tout premier chef a été choisi par la famille Tchava et il a régné. Lorsqu'il est mort en 1975, la famille Tchava a choisi un autre chef qu'on appelait Lucien Neuba qui était un fonctionnaire à la retraite. Ce dernier, estimant que la chefferie nécessite des moyens financiers, a décliné l'offre. La famille Tchava est allé voir l'un de leurs petits fils en la personne de Philippe Grégoire Yacé en son temps président de l'Assemblée Nationale.
Tékri Akadjé Gervais reconnu comme chef par le chef de la famille régnante, le président des jeunes et une frange de la population (ph KOACI)
Ce dernier a fait savoir qu'en temps que président de l'Assemblée Nationale, il ne pouvait pas être chef du village mais étant donné qu'ils sont venus lui remettre le village, il a son cousin Yacé Justin, qui devrait faire valoir ses droits à la retraite à qui il remettra la gestion du village comme chef. Il a ajouté que si Yacé Justin se comportait d'une mauvaise manière, qu'il ne s'en prennent pas à ce dernier mais qu'ils viennent lui rendre compte. C'est ainsi que Yacé Justin est devenu chef du village. Yacé Justin est décédé en 1995 et en 1996, la famille Tchava s'est réunie pour désigner un autre de leurs fils qu'on appelle Aboudé Vincent comme chef du village.
Contre toute attente, il y a un groupuscule de personnes qui est allé voir le président Philippe Grégoire Yacé pour proposer un cousin de ce dernier qu'on appelle Yacé Nangban Ignace qui était professeur à l'Université de Cocody. Cette situation a soulevé une crise dans le village et le président Yacé pour régler le problème, a fait savoir que c'était à lui que la famille Tchava a confié le village dans les années 79, et c'est lui qui a mis son cousin Justin Yacé parce qu'il était président de l'Assemblée Nationale. Il a estimé qu'étant encore en vie, si Justin Yacé est décédé et qu'on doit choisir un autre chef, c'est à lui de le faire car c'est à lui Philippe Grégoire Yacé qu'on avait donné la chefferie.
Il prend ainsi en 1996, la décision de remettre le village à Nangban Ignace Yacé qui est un autre de ses cousins. Cela a créé une crise où toute la famille Tchava et les personnes âgées se sont opposées et sont parties. Après leur départ de cette rencontre, étant un homme influent de l'État, Philippe Grégoire Yacé a usé de son pouvoir en prenant un arrêté pour donner le village à ce dernier sans consultation populaire. Étant donné que le village était en crise et que la majorité du village ne voulait pas du chef qu'il a imposé, ce dernier n'a jamais été intronisé jusqu'à ce qu'il décède. Il faut préciser que ce chef n'a pas pu gouverner le village. Il a résidé à Abidjan jusqu'à ce qu'il y meurt en mars 2024. Ce dernier décédé, entre temps, le président Yacé aussi était mort depuis 98.
À la suite de ces obsèques après son enterrement en avril 2024, la famille Tchava qui est la famille régnante, selon les us et coutumes du village, désigne celui qui doit être le chef du village, a choisi et présenté à la place publique du village celui qui doit être le prochain chef en la personne de Tékri Akadjé Gervais. C'est le nouveau chef qui a été désigné par la famille Tchava et présenté au village. Par la suite, un courrier a été adressé à Madame le préfet, au sous-préfet, au maire, au président des associations des chefs de village et des chefs de terre pour leur dire qu'au niveau du village d'Akrou, un nouveau chef a été désigné selon les us et coutumes. Nous avons même les décharges et les accusés de réception.
Après que cet acte a été posé, des personnes qui voulaient conserver le pouvoir n'ont pas voulu lâcher prise. Ils ont mis en place une procédure pour nommer un autre chef de leur famille. Des personnes ont été choisies ça et là comme chefs de famille pour dire que à Akrou, il y a sept familles et parmi ces familles, il y a en cinq qui ont choisi ce chef là. Alors que jamais dans notre village, un chef n'a été choisi suite à une concertation de chefs de familles. Eux aussi à leur tour, ils adressent un courrier à Madame le préfet en demandant un arrêté. C'est devenu une crise.
Cette crise a été minimisée au départ car on se disait que c'est la consultation populaire qui départagera et va montrer le choix de la population comme chef de village. Nous attendons cette consultation populaire et entre temps, la semaine dernière, madame le préfet Kra Takia Felicité épouse Oula convoque tous les chefs de village, tous les chefs de terre et les deux camps qui réclament la chefferie dans la salle de réunion de la préfecture. Là-bas, elle dit que pour la crise à Akrou, elle va nommer des émissaires pour y mener des négociations. Pendant ce temps, elle nomme un chef intérimaire. Et ce chef intérimaire à notre grande surprise est Kpoukpou N'Guessan Antoine, l'un des protagonistes de la crise.
Madame le préfet a désigné l'un des acteurs de la crise comme chef intérimaire et en plus, lui confie contre toute attente de mener la réconciliation entre les deux camps. Pour ne pas qu'elle dise qu'on lui a manqué de respect, nous avons préféré nous retirer après la rencontre, afin de lui adresser un courrier de protestation et une pétition contre la nomination d'un des belligérants de la crise comme chef intérimaire. Ce courrier a été envoyé aux associations des chefs et également au ministre de l'intérieur pour dénoncer cet arrêté. Certains élus ont été envoyés vers elle pour lui faire entendre raison mais en vain. Elle a pris un arrêté d'une durée de six mois pour imposer un chef. C'est Kpoukpou N'Guessan Antoine qu'elle a nommé chef avec un arrêté de six mois...» a expliqué Ahui Bogui Jacques chef de la famille régnante.
Le président des jeunes d'Akrou Hermann Loïc Tékri joint, a estimé qu'il serait impératif d'annuler l'arrêté qui désigne un intérimaire qui plus est issu d'un camp adverse. Pour lui, cette décision ne fait qu'aggraver la situation déjà tendue.
« La population se pose la question de savoir quel était l'urgence ? Qu'est-ce qui est caché derrière ça parce qu'il y'a des villages qui ont des problèmes de chefferie depuis cinq à dix ans. Pourquoi madame le préfet ne prend pas un arrêté de chef intérimaire là-bas ?
Nous pouvons prendre l'exemple du village de Addah qui a actuellement deux chefs de village et deux chefs de terre. Et ça fait plus de cinq ans que cette crise perdure. Il y'a le village de M'bokrou qui a un chef qui est contesté par le chef de terre et ce chef n'a pas d'arrêté. Pourtant à toutes les réunions de madame le préfet, c'est ce chef là qui est convoqué. Le village de Grand Jack a perdu son chef ça fait environ trois ans, ça été une crise là-bas et madame le préfet n'a jamais pris un arrêté d'intérimaire là-bas. À Akrou le chef est mort nous sommes dans le sixième mois. Seulement que six mois. Quel était l'urgence ?
Alors nous avons compris que madame le préfet avait un parti pris. Parce que deux personnes qui se disputent la propriété de quelque chose, en temps qu'un administrateur, c'est de savoir qui a raison ou pas et faire en sorte qu'il y ait la paix et la réconciliation, mais vous demander à l'une des parties de garder la chose jusqu'à ce qu'on trouve le propriétaire. C'est une autre façon de nous dire que vous avez tranché. Et là, l'arrêté qu'elle vient de prendre n'est pas un arrêté qui apporte la paix.
C'est un arrêté qui approfondit la plaie et risque de créer une grave crise dans le village. Elle vient d'empirer parce que la plupart des gens dit que monsieur Kpoukpou N'Guessan Antoine ne va pas être leur chef du village aujourd'hui ni demain. C'est pourquoi, nous demandons que l'arrêté de madame le préfet soit purement et simplement annulé. C'est au village de choisir un chef après un consensus même si c'est un intérimaire. Nous ne voulons pas de cet arrêté. C'est notre cri de cœur...» a fait savoir Hermann Loïc Tékri.
Il a ajouté qu'il aurait échappé à un enlèvement et a révélé que celui qui est reconnu par le village comme chef, Tékri Akadjé Gervais, aurait été mis deux fois en prison en 2021 et 2023 pour une affaire similaire. « Un acharnement sur cette personne » a-t-il déploré tout en regrettant que « la police prenne position pour un camp, celui du chef contesté (...) Nous interpellons les autorités pour recadrer cette police déployée en masse à Akrou...»
Vivement qu'une solution rapide soit trouvée, afin de sortir le village d'Akrou de cette atmosphère de conflit qui conduit les parents de cette bourgade à se regarder désormais en chien de faïence.
T..K.Emile de retour de Jacqueville
tkemile@koaci.com
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