Les dissidents du FPI en conférence de presse (Ph KOACI)

Le Front Populaire Ivoirien (FPI) est secoué par une fracture interne profonde qui résulte d’un désaccord majeur sur son orientation politique.

Deux camps opposés se font désormais face : d’un côté, ceux qui défendent le maintien du partenariat stratégique avec le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), parti au pouvoir ; de l’autre, ceux qui soutiennent l’appel de Bonoua lancé par Laurent Gbagbo, leader du PPA-CI, qui prône une rupture définitive avec le RHDP.

Le samedi 21 septembre 2024, au Palm Club Hôtel à Cocody, Diabaté Bêh, vice-président du FPI, et plusieurs militants étaient face à la presse. Une rencontre au cours de laquelle ils ont rejeté bruyamment l'appel de Bonoua. Lors de cette rencontre, Diabaté Bêh et ses partisans ont réaffirmé leur attachement au partenariat avec le RHDP.

Selon eux, cette alliance politique a permis une décrispation du climat socio-politique en Côte d'Ivoire, tout en repositionnant plusieurs cadres du FPI dans différentes communes et régions. En réponse à la rupture annoncée par Affi Nguessan, ils n’ont pas caché leur colère, exprimée avec des mots durs et accusateurs.

Dans une déclaration lue par M. Tra Bi de la fédération de Cocody Sud, les partisans du partenariat FPI-RHDP ont souligné que « le partenariat politique entre le FPI et le RHDP a contribué à apaiser le climat socio-politique ivoirien ». Ils ajoutent que cette collaboration a aussi permis à certains militants du FPI d’accéder à des postes stratégiques en dehors de la région du Moronou, considérée comme le fief de Pascal Affi Nguessan. Pour eux, « ce partenariat est un gage de stabilité » dans un contexte encore marqué par des souvenirs douloureux de violences post-électorales.

Ils ont reproché ainsi au président du FPI, Affi Nguessan, d’avoir pris une décision précipitée en mettant fin à cette alliance lors du Comité central du 7 septembre 2024. Selon les dissidents, Affi Nguessan a « signé l’arrêt de mort de ce partenariat sans consulter les instances dirigeantes du parti », agissant unilatéralement et sans prendre en compte les recommandations du Secrétariat exécutif. Ce dernier avait pourtant proposé une évaluation formelle de la collaboration avant toute décision définitive. Mais Affi Nguessan, s’insurge Diabaté Bêh et ses camarades, a ignoré cet avis en rejetant le partenariat avec le RHDP et en se tournant vers une alliance avec le PPA-CI.

« Le président Affi Nguessan déclare le partenariat avec le RHDP caduc, tout en donnant son accord pour une alliance avec le PPA-CI de Laurent Gbagbo, et cela sans respect des règles démocratiques internes au FPI », ont-ils déploré.

Pour les frondeurs, cette nouvelle alliance proposée par Affi est « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». La décision de se rapprocher du PPA-CI est perçue comme une manœuvre secrète, prise sans concertation avec la direction du parti, une démarche jugée inacceptable par ceux qui refusent l'appel de Bonoua.

Ils vont encore plus loin en accusant Affi Nguessan de manipuler les instances du FPI pour ses propres intérêts : « Les contacts du président Affi Nguessan avec le PPA-CI sont informels et secrets, pris en dehors de la direction et des instances du parti ». Une telle gestion opaque suscite une immense frustration parmi les militants fidèles au partenariat avec le RHDP, qui considèrent que leur président les mène dans une impasse.

La scission devient inévitable, car tandis qu’une partie des militants voit dans l’appel de Bonoua une opportunité de se réconcilier avec l’héritage de Laurent Gbagbo, d'autres, comme Diabaté Bêh et ses partisans, refusent catégoriquement cette alliance. Pour eux, il est essentiel de rester dans le cadre du partenariat avec le RHDP, qui a pour objectif ultime de « garantir la paix et la cohésion sociale ». Ils rappellent que ce partenariat avait comme mission principale de « sortir définitivement la Côte d’Ivoire du cycle de violences politiques ».

Les dissidents au sein du FPI considèrent donc que tourner le dos au RHDP serait synonyme de recul pour leur parti. Ils ont estimé que l’alliance avec le PPA-CI ne ferait que replonger le parti dans des querelles internes et des luttes de pouvoir qui, en définitive, nuiraient à la stabilité du pays. C’est dans ce contexte que Diabaté Bêh a lancé un appel ferme à tous les militants du FPI : « Nous demandons à tous les militants et militantes du FPI de rester sourds à l'appel de Bonoua qui ne concerne en aucune manière le FPI ».

Cet affrontement idéologique, au sein d’un parti qui a pourtant connu des heures glorieuses sous la présidence de Laurent Gbagbo, divise profondément la base militante.

Alors que les élections de 2025 se profilent à l’horizon, cette division pourrait affaiblir le FPI, en empêchant toute unité de façade face à un RHDP solidement implanté dans le paysage politique ivoirien.

D’un côté, le vice-président, potentiel prochain candidat Pierre Dago Godé et ses partisans, souhaitent préserver les acquis obtenus grâce au partenariat avec le RHDP, tandis que de l’autre, Affi N'guessan et ceux qui suivent l’appel de Bonoua espèrent redonner au FPI son aura d’antan en rejoignant Gbagbo dans un nouvel élan politique.

Pour le moment, la situation reste tendue, et les mois à venir seront déterminants pour l'avenir du FPI qui tiendra son congrès les 8 et 9 novembre à Yamoussoukro. Si la division persiste, le parti risque de se retrouver affaibli, incapable de peser de manière significative dans les futures élections. Mais une chose est sûre : les deux camps semblent irréconciliables, et la bataille pour l’âme du FPI ne fait que commencer.

Jean Chresus, Abidjan