Côte d'Ivoire : Cyberharcèlement, elle voulait régler ses comptes personnels sur Internet et se retrouve devant le parquet
Les mots, bien qu'intangibles, possèdent une force redoutable. Le proverbe « La langue n'a pas d'os, mais elle peut briser des cœurs » illustre parfaitement ce pouvoir. En effet, à travers l'injure ou la diffamation, les paroles peuvent infliger des blessures profondes.
À l'ère numérique, où les réseaux sociaux accélèrent la diffusion de toute forme de propos, cette réalité est encore plus frappante. L'injure, qui s'attaque à l'honneur ou à la dignité d'une personne, et la diffamation, qui répand de fausses informations pour nuire à une réputation, sont devenues des armes redoutables, accessibles à tous. L’histoire de KKA, une entrepreneuse dynamique, nous permet de comprendre les conséquences que de telles actions peuvent avoir sur la vie d'une personne.
KKA est une jeune femme entrepreneur qui a su se faire un nom dans le domaine de la mode, notamment dans la vente de vêtements et de lunettes. Grâce à une compréhension fine des tendances actuelles et une maîtrise des outils numériques, elle a su se rapprocher de sa clientèle et bâtir une relation de confiance. En utilisant l'une des plateformes sociales les plus en vogue, elle partage des vidéos engageantes mettant en scène ses produits tout en interagissant directement avec ses abonnés. Cette stratégie de marketing digital, qui combine authenticité et proximité, a permis à KKA de se distinguer dans un marché très concurrentiel, renforçant ainsi la fidélité et l'engagement de ses clients.
Cependant, malgré son succès, KKA n'était pas préparée à la vague de haine et de violence verbale qui allait soudainement la viser. Un jour, l'une de ses clientes habituelles, satisfaite de ses achats, recommande la boutique de KKA à une connaissance. Ce geste, a priori anodin et bien intentionné, s’avère être le point de départ d'une série d'événements inattendus. À la mention du nom de KKA, la nouvelle cliente réagit de manière violente et commence une campagne de cyberharcèlement. Derrière des profils anonymes, des messages malveillants et diffamatoires, accompagnés de vidéos injurieuses, se multiplient.
Au départ, KKA choisit de ne pas répondre, espérant que le harcèlement cesse de lui-même. Cependant, la persistance et la virulence des attaques deviennent rapidement insoutenables. Ne voyant aucune amélioration et réalisant que sa réputation professionnelle et personnelle est en jeu, KKA décide de passer à l'action. Elle se tourne alors vers la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC), une structure spécialisée dans le traitement des infractions numériques, pour porter plainte.
Suite à sa plainte, la PLCC engage des investigations minutieuses, aidée par le Laboratoire Criminalistique Numérique (LCN). Grâce à leurs techniques sophistiquées de traçage et d'analyse de données, les enquêteurs parviennent à identifier la personne derrière les profils anonymes. Il s'agit de TAB, qui est rapidement interpellée pour être entendue par les autorités compétentes.
Lors de son audition, TAB admet sans ambages être l'auteure des publications malveillantes. Elle justifie ses actes en évoquant une dispute personnelle avec KKA, expliquant qu'en voyant le nom de cette dernière apparaître dans une publication sur les réseaux sociaux, elle avait été submergée par un sentiment de colère. TAB avait initialement posté une annonce pour rechercher des paires de lunettes, et la suggestion de KKA en commentaire avait été perçue comme une provocation. Dans un moment d'emportement, elle avait alors commencé à publier des messages insultants et des propos diffamatoires, sans se soucier des conséquences.
Consciente de la gravité de ses actes, TAB exprime ses regrets devant les enquêteurs et présente des excuses à KKA. Malgré ses remords, les autorités judiciaires estiment que la gravité des faits justifie une poursuite en justice. En conséquence, TAB est déférée devant le parquet pour répondre des accusations d'injure et de diffamation via un système d'information, conformément aux articles 60 et 61 de la loi n°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité.
Cette affaire met en lumière les enjeux de la protection de la réputation à l'ère numérique, où la frontière entre critique et diffamation est souvent floue. Elle rappelle également l'importance de la responsabilité des propos tenus en ligne. La facilité d'accès aux plateformes numériques, conjuguée à l'anonymat qu'elles offrent parfois, ne doit pas être perçue comme un droit de nuire ou d'attaquer autrui impunément. Le cas de KKA montre que les mots, même dans l'univers virtuel, peuvent causer des dommages réels, et que la justice peut être saisie pour répondre à de telles dérives.
Jean Chresus, Abidjan
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