Côte d'Ivoire : Financement de l'habitat, Bruno Koné expose les énormes difficultés des États de l'UEMOA, les banques veulent des propositions innovantes et respectueuses du climat
Bruno Koné vendredi à Abidjan
La première édition du Forum sur le financement de l'habitat dans les pays de l'UEMOA organisé par la Fédération des associations des banques et établissements financiers de l'UEMOA. (FAPBEF-UEMOA) s'est tenue ce vendredi 15 mars à Abidjan.
Ce forum sous-régional, vise à échanger sur les enjeux et les défis du financement du secteur de l'habitat dans l'espace communautaire
Parrain de cette rencontre, Bruno Nabagné Koné, ministre de la Construction du logement et de l'urbanisme, à cette occasion, a partagé avec l’ensemble des professionnels réunis ce jour, les progrès accomplis par la Côte d'Ivoire dans le domaine de l'investissement immobilier, mais il a également décliné les attentes spécifiques du Gouvernement ivoirien en matière de financement du secteur de l'habitat.
Selon lui, la situation de l’accès pour tous à un logement décent et abordable, pose dans son ensemble, plusieurs questions, dont les réponses se trouvent dans les réformes menées au cours des 2 dernières années.
Il a annoncé que le gouvernement entrevoit en particulier pour le secteur bancaire, un accroissement du crédit hypothécaire, par le renforcement de la confiance dans les titres délivrés et une plus grande fluidité de la relation avec l’administration en charge du foncier.
Au plan de la règlementation et de la sécurisation du cadre bâti, Bruno Nabagné Koné a mentionné brièvement les textes majeurs adoptés par le gouvernement. Il s’agit notamment, du Code de l’Urbanisme et du Domaine Foncier Urbain, du Code de la Construction et de l’Habitat, du décret sur l’identifiant unique des parcelles etc.
« Ces nouveaux textes imposent notamment, le recours obligatoire à un architecte pour tout projet de construction en milieu urbain, ainsi que l'intervention d'un bureau de contrôle et de normalisation des risques pour les projets complexes, en vue de garantir un cadre bâti plus sûr, et améliorer incidemment l’environnement des affaires dans notre pays », a ajouté le ministre de la Construction.
Poursuivant, le ministre a indiqué que d’autres dispositions sont en préparation (homologation des travailleurs du cadre bâti (maçons, ferrailleurs, coffreurs…), obligation de l’assurance-chantier, renforcement du contrôle des matériaux de construction…).
Relativement au thème de ce forum, ‘’le financement de l’habitat’’, le ministre ivoirien reconnaît que les États se doivent faire preuve d’engagement et d’innovation, dans leurs stratégies de mobilisation des ressources financières.
« En effet, les besoins de financement pour résorber significativement le déficit enregistré dans ce secteur sont énormes. Dans le cas de notre pays, la réalisation de notre ambition de 150 000 logements (du PPLSE) nécessite la mobilisation de plus de 6 500 milliards de FCFA, pour couvrir les coûts de mobilisation foncière, d’aménagement et de viabilisation des sites, et de construction des logements. Même avec une contribution forte du secteur privé, l’effort à faire par nos Etats reste colossal. Ce montant culmine à près de 40 000 milliards de FCFA, soit près de 4 fois le budget annuel du pays, si on le rapporte au déficit cumulé dans le secteur, qui se chiffre à environ 800 000 unités de logements », a expliqué Bruno Nabagné Koné.
Selon lui, « ces chiffres permettent de comprendre aisément la difficulté de la tâche et l’ampleur de la problématique à laquelle nous faisons face, qui est un défi pour nos Etats, mais une réelle opportunité pour le secteur privé de nos pays ».
Il a profité de l'occasion pour adresser un mot de gratitude à la BADEA et à la BOAD, qui ont selon lui, favorablement réagi aux sollicitations du gouvernement dans le cadre d'un projet spécial.
«Il s’agira, à travers ce projet spécial, d’accroitre l’impact du programme des logements sociaux sur les ménages ayant le moins de moyens, qui constituent la cible réelle de notre action. Pour y parvenir, nous pensons que l’accent doit être mis sur des mécanismes d’accès plus adaptés aux capacités des ménages concernés, à savoir la location-vente et surtout, la location simple, avec des niveaux de loyers subventionnés, qui tiennent compte du SMIG dans nos pays », a mentionné, Bruno Nabagné Koné.
Face à l’ampleur de la problématique du financement de l’habitat, le ministre ivoirien de la Construction reste convaincu que seule la capacité des Etats de l'UEMOA à imaginer des schémas nouveaux et à conjuguer étroitement leurs efforts, permettra de relever les défis qui, en vérité, ne sont pas insurmontables.
Jérôme Ehui, Président de l’APBEF-CI, a souhaité qu’au sortir de cette rencontre d'une journée, une feuille de route novatrice et appropriée soit élaborée.
Il y a quatre ans en 2020, les experts et autres professionnels de l’industrie de l'habitat et de l'environnement estimaient à 500 mille le déficit de logements. Le 12 décembre 2023, le ministre Bruno Nabagné Koné lors de la 9ème édition du salon ARCHIBAT estimait ce déficit à 853 mille.
Selon Jérôme Ehui, «trois ans plus tard, le déficit est estimé à ce jour à plus de 3,5 millions de logements dans la zone UEMOA.
«Au Sénégal, Togo, Bénin, Burkina Faso, Mali, Guinée Bissau, Niger, les situations sont quasi similaires. Ce déficit est d'abord le fruit du système économique. Le déficit s’accroît pour chacun de nos États. C'est une opportunité pour les entreprises du bâtiment en terme de business de création de nouveaux matériaux écologiques et résilients. Aussi, pour l'industrie bancaire en tant que solution idoine pour répondre aux besoins de financement", a précisé, le Président de l'APBEF-CI.
Selon lui, en finançant l'habitat, les banques financeront en même temps les stratégies intelligentes, telles que l'optimisation de l'éclairage, les systèmes autonomes d’énergie en un mot, tout ce qui se rapporte au financement du changement climatique. Car, ce dérèglement climatique a et aura des conséquences incalculables sur l'économie et notamment sur celle de la construction.
C'est pourquoi, Jérôme Ehui voit en ce forum une formidable opportunité pour la Banque d'apporter sa pierre à l’édifice en matière de financement de l'habitat . «En ayant une vision claire des défis et contraintes du secteur du logement nous pourrons apporter des solutions de financement », a-t-il insisté.
Le taux d'urbanisation dans la zone UEMOA était de 5% en1950 et 13% en Côte d'Ivoire. Il est à 35% en 2023 dans la zone UEMOA et 53% en Côte d'Ivoire. Partout le taux d'urbanisation progresse et chaque année c'est plus ou moins 4%.
Le Président de L'APBEF-CI estime enfin que l’avenir du financement de l’habitat ne pouvait pas être placé dans de meilleures mains que celles des experts participants au forum.
En prenant la parole, le Président de la Fédération des Associations Professionnelles des Banques et Établissements Financiers de l'UEMOA (FAPBEF-UEMOA), Bocar SY, s'est prononcé sur la Fédération qui a selon lui organisé plusieurs rencontres de haut niveau.
Pour lui, parler du financement de logement revient à financer le développement local et il ne faut pas tenter de résumer le problème de logements en terme de financement.
«Les crises que nous avons traversées, la COVID-19 et autres ont montré que les banquiers peuvent faire preuve de souplesse et d'imagination. Je lance un appel pour l'Adaptation des règles des normes prudentielles du secteur bancaire pour le financement de l'habitat », a conclu, le Président Bocar SY.
Le financement de l'habitat est une préoccupation majeure pour la plus part des Etats en raison de ses enjeux socio-économiques. Pour le Directeur national de la BCEAO, Chalouho Coulibaly, l’amélioration du bien-être des populations passe par l'accès au logement, raison pour laquelle la problématique du financement de l'habitat est un enjeu important pour les Etats de l'Union.
Le taux de croissance annuel de la population dans la zone se situe autour de 2,7% et apparaît comme une contrainte pour la satisfaction aux besoins de logements. La croissance démographique dans l'union est l'une des plus élevée dans le monde faisant de fortes pressions en matière d'accès aux logements. Notamment sur le coût d'accès au logement. Pour leur part les États de l'UEMOA accordent une importante particulière à l'amélioration de l'accès aux logements.
Le Directeur national de la BCEAO a reconnu que le financement de l'habitat reste faible dans la zone de l'UEMOA.
«Le montant des crédits à l'habitat apparaît bas par rapport à la demande et les taux d'intérêt sont élevés. En outre, la forte croissance démographique dans les pays de l'Union en particulier dans les zones urbaines entretient un déséquilibre croissant entre l'offre et la demande. Plusieurs entraves au fonctionnement optimal du marché de l'immobilier ont été identifiées, notamment celles d'ordre financier qui interpellent les établissements de crédit, les structures de financement. Des entraves non financières sont également relevées portant essentiellement sur le foncier, de l'aspect juridique réglementaire et administratif », s'est justifié, M. Coulibaly.
Selon lui, au regard de cette situation et sous l'impulsion de la BCEAO, plusieurs mesures ont été prises. Il a souligné que le montant des crédits à l'habitat a connu une nouvelle dynamique dans l’UEMOA.
«En effet, le montant des prêts à l'habitat est en nette progression. Sur les 15 dernières années passant de 78, 8 milliards de FCFA en 2010 à 1258 milliards de FCFA en 2023. Le taux de croissance annuel moyen de crédit à l’habitat est passé de 18,7% entre 2012 et 2017 à 27,9% entre 2017 et 2023 », s'est justifié, le Président national de la BCEAO.
En dépit de ces résultats encourageants, il estime que des efforts importants restent à faire dans la mesure où le ratio du montant de crédit à l'habitat sur le PIB ressortait à 1,03% en 2023.
«Les efforts attendus portent aussi bien sur l’amélioration des revenus et sur le coût du financement de l'habitat et une meilleur connaissance des besoins pour la demande de logement dans la zone de l'UEMOA. Aussi, la BCEAO a-t-elle entrepris des actions visant à pallier le problème crucial du financement de l'habitat avec l'incitation des établissements de crédit, le refinancement des titres de créance dont la durée, n'excède pas 20 ans, la diversification des instruments financiers dans l'union. D'importants défis restent à relever », a conclu, Chalouho Coulibaly.
Wassimagnon
Infos à la une
Communiqués
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire