Côte d'Ivoire : Crise dans la filière palmier à huile, face aux usiniers récalcitrants des planteurs lancent un appel au Gouvernement
les responsables des planteurs de palmiers à huile devant la presse (Ph KOACI)
La filière palmier à huile traverse des difficultés depuis des mois. Pour cause, certains usiniers refusent de respecter les prix fixés par l’Interprofession depuis le mois de mai 2023 et celui fixé en octobre 2023, par le Gouvernement ivoirien à travers le Conseil Hévéa-Palmier à Huile.
En effet, face au désaccord entre le collège des producteurs et leurs partenaires que sont les usiniers, l’Etat a, par une note, fixé les prix d’octobre 2023 à 555 751 FCFA la tonne d’huile de palme et 67 800 FCFA la tonne de régime de palme bord champ.
Malheureusement, les usiniers refusent d’appliquer ces prix . Face à ces difficultés, les producteurs, réunis au sein de la fédération nationale des unions de sociétés coopératives et de sociétés coopératives de planteurs de palmier à huile de Côte d’Ivoire (FENACOPAH-CI), avaient décidé d’observer un mouvement de protestation si aucune mesure n’était prise jusqu’au jeudi 26 octobre 2023 pour faire respecter les prix publiés par l’Etat, représenté par le Conseil Hévéa – Palmier à Huile.
Pour donner une chance aux négociations, ces planteurs qui ont été convoqués le mardi 31 octobre 2023, à une réunion de travail avec leur tutelle, le Ministère d’Etat, Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Productions Vivrières ont décidé de suspendre leur mot d’ordre de protestation.
Néanmoins, des producteurs du secteur villageois qui étaient devant la presse ce vendredi 27 octobre 2023, ont dénoncé les difficultés qui persistent dans la filière par la faute de certains acteurs.
Ces producteurs ont fait savoir que depuis le mois de mai, les prix du régime de palme ne sont pas appliqués par les usiniers de la première transformation qui achètent ces régimes aux planteurs. Ils affirment que des écarts de prix allant jusqu’à 10 francs FCFA par kilogramme ont été constatés sur le terrain.
Selon ces planteurs bien que les prix fixés pour le mois d’octobre par le Conseil Hévéa-Palmier à Huile soient inférieurs aux prix fixés par l’Association interprofessionnelle du palmier à huile (AIPH), ils les ont acceptés par respect de l’autorité de l’Etat.
« Les usiniers ont écrit aux planteurs pour rejeter le prix fixé par l’Etat et même fermé l’accès de leurs usines aux régimes provenant des plantations villageoises , pour ne traiter que leurs seules productions ; ce qui ne nous a pas du tout plu et les planteurs que nous sommes avons manifesté notre mécontentement devant leurs usines », relatent les Producteurs. Ils mettent en doute la neutralité du président du conseil d’administration de l’AIPH, Henri César Sama Damalan, qui n’a entrepris aucune action pour faire appliquer les prix fixés par l’Etat et qu’il a lui-même publiés par note.
« Nous n’avons pas constaté dans cette affaire la neutralité du président du conseil d’administration de l’AIPH qui est issu du collège des usiniers de la première transformation. Nous avons une suspicion légitime quant à sa neutralité, de par ses réactions et ses écrits. Il n’a entrepris aucune action pour faire appliquer les prix qu’il a lui-même publiés, mais il sollicite la force publique contre des paysans qui manifestent leur désarroi. Nous venons de prendre connaissance d’un document où il opte pour l’achat du régime de palme à 50.000 FCFA la tonne au terme d’une réunion qu’il a tenue dans les conditions que lui seul connait », ont déclaré les planteurs.
Ces planteurs ont affiché leur mécontent parce qu’ils perdent des productions et par conséquent des revenus, à cause de la forte dégradation des pistes d'accès à leurs parcelles. Ils ont expliqué que la dégradation des pistes est due au refus de ces usiniers d'appliquer les accords interprofessionnels pour financer les travaux d'entretien de ces pistes et également au fait que certains de ces usiniers ont détourné plusieurs centaines de millions de francs CFA prélevés sur les revenus des planteurs pour entretenir ces pistes.
Ils ont aussi déploré le retard de paiement de leurs productions du mois de septembre, en cette période de rentrée scolaire.
Ils ont rappelé que les planteurs, au cours des années 2021-2022, ont accepté le plafonnement du prix du régime de palme décidé par l’Etat pour éviter l’inflation au niveau du prix de l’huile de palme raffinée.
« Nous avons compris le message de l’Etat en 2021 et nous avons donc soutenu le prix de l’huile de palme raffinée vendue aux consommateurs. Aujourd’hui en 2023, nos partenaires les usiniers refusent de payer le prix fixé par l’Etat. Et le président de l’AIPH joue un jeu qui nous donne de le soupçonner d’impartialité», révèle un Producteur.
Aussi, les planteurs dénoncent l’apparition dans la filière palmier à huile des « intermédiaires » introduits et financés par les usiniers. Ces intermédiaires achètent les produits bord-champ à des prix largement en-dessous du prix fixé.
« Au cours des discussions avec les usiniers, certains ont reconnu qu’ils donnent à leurs intermédiaires le prix bord-champ fixé par l’AIPH et que ces intermédiaires retiennent une bonne partie pour leurs propres besoins et ils ne reversent aux planteurs que la part congrue. Lorsque le président du conseil d’administration de l’AIPH reçoit des usiniers venant du Loh-Djiboua et du Sud-Comoé qui lui expliquent que les planteurs acceptent d’être payés à 50.000 FCFA la tonne de régimes , ce sont avec ces intermédiaires justement qu’ils travaillent pour exploiter les planteurs qui sont confrontés à des difficultés pour scolariser leurs enfants et faire face à leurs besoins de première nécessité », dénonce les Producteurs qui précisent qu’il est inconcevable que le président du conseil d’administration de l’AIPH, Henri César Sama Damalan, se base sur de tels faits pour dire que les planteurs acceptent les prix de 50.000 FCFA la tonne ou encore qu’ils sont soumis à un diktat de la FENACOPAH-CI.
Enfin, ces planteurs ont lancé un appel aux producteurs. Ils leur ont demandé de rester sereins parce que le combat qu’ils mènent avec la FENACOPAH-CI n’est pas un diktat, mais plutôt la défense des intérêts des planteurs. Aux usiniers qui sont des partenaires, ils lancent un appel au respect des accords interprofessionnels.
« Il faut respecter les prix que nous fixons ensemble, ces prix étant issus d’un mécanisme consensuel . Les usiniers ne doivent pas nous imposer leur prix. L’Etat à travers le Conseil Hévéa-Palmier à Huile, face à nos désaccords est intervenu en arbitre pour fixer des prix. Nous sommes très surpris qu’on ne puisse pas appliquer la décision prise par l’organe de régulation auquel nous avons tous fait appel. Nous souhaitons que nous tous nous nous ressaisissions en respectant l’autorité de l’Etat », ont conclu les Producteurs.
Jean Chrésus, Abidjan
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