Côte d'Ivoire : Procédure de constatation des terres sans maître du domaine foncier rural, les interrogations de l'ancienne Ministre Ohouochi Clotilde
L’ancienne Ministre Ohouochi Clotilde (Ph)
Le mercredi 03 mai dernier, le Conseil des Ministres a, au titre du Ministère d’Etat, Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, adopté un décret « définissant la procédure de constatation des terres sans maître du domaine foncier rural.
Ce décret définit une procédure simplifiée et souple adaptée à la constatation du défaut de maître sur les différents types de terres pouvant être considérées comme sans maître.
Il précise à cet effet, la notion de terres sans maitre, à savoir les terres du domaine foncier rural coutumier qui n’ont pas fait l’objet d’un certificat foncier, y compris les terres concédées sur lesquelles les droits n’ont pas été consolidés. Il détermine, en outre, pour chaque type de terre réputée sans maître, une procédure pour constater le défaut de maître et déclarer la terre concernée sans maître.
La procédure est déclenchée à l’initiative de l’Agence Foncière Rurale (AFOR) chargée d’identifier sur l’étendue du territoire national, les terres sans maître du domaine foncier rural coutumier ».
Ce décret suscite déjà des réactions dont celle de l’ancienne Ministre de Laurent Gbagbo, Madame Ohouochi Clotilde.
« Ce décret, de mon point de vue, pose réellement question et convoque une réflexion et une analyse approfondies. Qu’est-ce qui pousse l’Etat à engager cette procédure de constatation de défaut de maître, presque en catimini, sur les terres appartenant aux patrimoines ancestraux des familles et communautés villageoises ? Que cache cette décision ? Et pourquoi maintenant ? L’Etat de Côte d’Ivoire a-t-il l’intention de verser dans son escarcelle toutes les terres du domaine coutumier ? », interroge-t-elle.
Selon elle, ce que ne dit pas explicitement ce décret, c’est qu’au regard des dispositions législatives en vigueur régissant le Foncier rural, les terres déclarées sans maîtres deviennent automatiquement propriété de l’Etat.
« En effet, la Loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au Domaine foncier rural telle que modifiée par les lois n° 2004-412 du 14 août 2004, n°2013-655 du 13 septembre 2013 et n° 2019-868 du 14 octobre 2019 dispose que les terres régies par le Droit coutumier le sont à titre transitoire, et la propriété juridique d’une terre du Domaine foncier coutumier est établie à partir de la détention du Certificat Foncier », rappelle-t-elle, avant de poursuivre.
« Le défaut de Certificat foncier place ces terres de facto dans le cadre des terres sans maître qui deviennent d’office propriété de l’Etat. La question qui mérite d’être posée est de savoir si l’on a accordé un délai suffisamment raisonnable aux acteurs ruraux pour qu’ils se mettent en conformité avec la Loi ? »
Selon Madame Ohouochi, s’il est vrai que depuis la loi de 1998, un délai de 10 ans renouvelable à terme échu est accordé aux acteurs ruraux du domaine foncier coutumier pour se faire établir le fameux sésame. Cependant, les pesanteurs culturelles, la méconnaissance de la loi, les procédures longues et coûteuses d’obtention des Certificats fonciers ne leur ont pas à ce jour permis de régulariser leur situation.
Elle relève que face à ce constat d’échec et pour booster l’opération, l’Etat a alors, par décret N°2016-590 du 03 août 2016, créé l'Agence Foncière Rurale (AFOR) chargée de la mise en œuvre de la politique nationale de sécurisation du foncier rural.
« Malgré les investissements importants de l’Union Européenne, de la BAD, ou de l’AFD affectés à cette Institution, la certification des terres (délivrance des Certificats fonciers) en Côte d’Ivoire avance lentement. Seulement 4% des terres sont immatriculés, 96% étant toujours régis par les droits coutumiers. Alors, au moment où les procédures nouvelles diligentées sous l’autorité de l’AFOR et l’engagement de certaines associations de la société civile (dont notre association AKWOSHU) commencent à donner un nouvel élan aux opérations de sécurisation sur le terrain, quelle est l’urgence qui contraint l’Etat à engager « la procédure de constatation des terres sans maître du domaine foncier rural » ? Il faut savoir que le domaine du foncier rural en Côte d’Ivoire représente 70% de la superficie totale du pays », a conclu, l’ancienne Ministre Ohouochi Clotilde.
Donatien Kautcha, Abidjan
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