Côte d'Ivoire : Après 5 mois de fonctionnement, le SPACIA annonce que le montant des préjudices subis par les usagers est estimé à plus de 52 milliards
Fatoumata Ba ce mardi à Abidjan (ph KOACI)
La question de la corruption est d'une urgence mondiale. Selon les évaluations de la Banque Mondiale, chaque année, c'est plus de 2 600 milliards de dollars, soit 5% du PIB mondial, qui sont détournés à des fins privées. Le PNUD estime que le montant des fonds, en direction des pays en développement, soustraits de leur destination par la corruption est 10 fois plus élevé que celui de l'aide publique au développement.
Plus spécifiquement, pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, une étude réalisée a estimé le préjudice qui lui est causé par la corruption à près de 1 400 milliards de FCFA. Ce montant équivaut à 4% du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays et quatre fois l'aide publique au développement.
Fatoumata Ba, Coordinatrice de la cellule SPACIA a donné l'information à la presse aujourd'hui, au cours d'une rencontre où elle a affirmé que l'engagement au plus haut niveau de l'État a permis à la Côte d'Ivoire de réaliser des progrès considérables en matière de lutte contre la corruption.
« En huit (8) années en effet, le pays a réalisé un bond de 09 points sur l'Indice de Perception de la Corruption de l'ONG Transparency International, passant d'une note de 27/100 en 2011 à une note de
36/100 en 2021 », a-t-elle ajouté.
Le Système de détection et de Prévention des Actes de corruption et Infractions Assimilées (SPACIA) a été créé depuis le 12 avril 2022. Ce nouvel instrument permet à tout citoyen de dénoncer tout acte de corruption ou infraction assimilée dont il est témoin ou victime.
Depuis son lancement officiel par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, ACHI PATRICK, le 11 juillet dernier, SPACIA a mené de nombreuses missions de vérification et enregistré des dénonciations, des cas de corruption.
La Coordinatrice a fait le détail de ces dénonciations à la presse au cours de cette rencontre du jour.
«De janvier (phase test) à octobre 2022 la plateforme SPACIA a enregistré 469 signalements via ses canaux, 111 signalements à travers son numéro vert 1345, 2, 58 signalements à travers sa plateforme numérique www.spacia.gouv.ci et 100 signalements par courriers physiques. Après traitements et analyse de ces signalements à la lumière de l'ordonnance N° 2013-660 du 13 Septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, il a été relevé que 356 des cas signalés constituent des actes présumés de corruption et infractions assimilées, pendant que 113 cas ne sont pas constitutifs d'actes de corruption et sont plutôt liés à des dysfonctionnements de l'administration publique », a expliqué, Fatoumata Ba.
Selon elle, la répartition par localité des signalements permet également d'observer que le District Autonome d'Abidjan enregistre le plus grand nombre de signalements, soit plus de 75% des cas signalés – devant le district Autonome du haut Sassandra-Marahoué (5,1%) et du District Autonome de la Comoé (3,2%).
L'analyse de la nature de l'infraction signalée permet aussi de conclure que la concussion constitue l'acte de corruption le plus dénoncé avec 154 signalements, suivi par l'abus de fonction, 78 signalements et corruption d'agents publics nationaux, 42 signalements.
Elle a précisé que la répartition des signalements enregistrés en fonction des secteurs d'activité fait apparaître le secteur défense/sécurité comme le secteur qui est de loin le plus dénoncé avec 103 signalements, suivi du secteur urbanisme/construction/habitat (43 signalements), le secteur de l'éducation/formation (38 signalements), le secteur du transport/logistique (25 signalements) et le secteur du droit, de la protection et la justice (24 signalements).
«Dans le secteur Urbanisme/Construction/Habitat, les dénonciations portent majoritairement sur des cas de fraudes dans l'obtention des Arrêtés de Concession Définitive, de démolitions de logements jugés abusives et des prédations sur les terrains libérés, de fraudes et corruption dans le secteur de la fabrication et la commercialisation de fer à béton, de l'exploitation illégale et constructions anarchiques, dragage et remblayage des bordures lagunaires, d'extorsions de terres rurales commises par des représentants de sociétés d'État, etc. Dans le secteur Défense/Sécurité Intérieur, les faits signalés font essentiellement référence à des actes de corruption et de concussion commis par des agents des forces de sécurité et des officiers d'état civil dans l'exercice de leurs fonctions. Dans le secteur Droit/Protection/Justice, les cas de signalement sont en rapport avec les sommes d'argent indues exigées par les agents lors de l'établissement des actes administratifs dans les juridictions, mais également les difficultés rencontrées dans l'obtention des décisions de justice. Concernant le secteur Éducation/Formation/Sciences/Étude/Recherche/Développement, il fait l'objet de nombreuses dénonciations, précisément dans les périodes d'examen et lors de la rentrée scolaire. Plusieurs signalements font mention d'extorsion de fonds par certains membres du personnel de l'éducation nationale ; d'autres signalement sont plutôt liés à des présomptions de détournements de deniers publics destinés au paiement des heures complémentaires dans des universités. Dans le secteur Santé/Hygiène Publique,
les signalements sont généralement relatifs aux mauvais agissements du personnel de santé », s'est justifiée, la Coordinatrice du SPACIA.
Il ressort de l'analyse des signalements reçus que le montant des préjudices subis par les usagers tel que cela ressort de leur déclaration peut être estimé à 52.585.064.478 FCFA.
«Paradoxalement, le secteur ayant fait l'objet du plus grand nombre de signalements (défense/sécurité intérieur) subit un préjudice financier moins important que le secteur communication, médias et technologies qui présente le potentiel manque à gagner de 33.668.647.557 pour seulement 14 signalements ou celui du secteur urbanisme/construction/habitat qui représente un potentiel manque à gagner de 8.572.134.700 pour 43 signalements. Il apparaît ainsi que l'importance du manque à gagner n'est pas proportionnel au nombre de signalements », a déploré, Fatoumata Ba.
Globalement, ce sont au total soixante-seize (76) missions de vérification qui ont été réalisées dans six secteurs ayant fait l'objet de dénonciations d'actes de corruption et infractions assimilées. A la suite de ces missions, dix-neuf (19) personnes, fonctionnaires et agents de l'État ont été mis en cause.
Plus spécifiquement, dans le premier trimestre 2022, trente-neuf (39) missions de vérification ont été réalisées dans divers secteurs d'activités. Il s'agit des secteurs, Urbanisme/Construction/Logement/Foncier (11 missions), Défense/Sécurité/Intérieur (15 missions, Économie/Finance/Budget/Marché publics (08 missions), Santé/Hygiène publique (05 missions).
Au cours du premier trimestre 2022, onze (11) personnes ont été mises en cause avec des éléments de preuves irréfutables grâce à ces missions. Ainsi, neuf (09) agents de police – dont huit (08) de la Police Nationale et un (01) de la police municipale, qui se sont rendus coupables de corruption et de concussion lors de la régulation de la circulation routière, ont été épinglés.
De même, deux (02) agents des impôts des centres des impôts de Yopougon et Adjamé ont été épinglés. A Yopougon l'agent en question a proposé une annulation des arriérés des impôts fonciers d'un usager, moyennant le paiement de la somme de quarante mille (40 000) FCFA. Le même agent a aussi proposé de différer le paiement d'impôts par la réception de la somme de cinquante mille (50 000) FCFA. Dans la commune d'Adjamé, l'agent épinglé, administrateur des services financier, a proposé à l'usager un échelonnement de paiement moyennant une contrepartie financière de cinquante mille (50.000) FCFA. Ces faits constituent des actes de corruption tels que prévus et punis
par les articles 28 (corruption d'agents publics), 36 et 37 (concussion), de l'ordonnance N° 2013-660 du 13 Septembre 2013 relative à la prévention et la lutte contre la corruption.
Au cours du second trimestre 2022, vingt (20) missions de vérification ont été réalisées, 06 dans le secteur Défense-Sécurité-Intérieur, 06 dans le secteur Éducation/ Formation/Sciences/Étude/Recherche et Développement, 04 dans le secteur Droit/Protection/Justice, 02 dans le secteur Urbanisme/Construction/Habitat/Logement/Foncier, 02 dans le secteur Transport/Logistique.
«Au total, 5 personnes ont ainsi été mises en cause. En effet, dans le secteur Droit/Protection/Justice, deux agents des Palais de Justice du Plateau et de Yopougon se sont adonnés à des actes de corruption dans la procédure de délivrance d'actes administratifs (certificat de nationalité et casier judiciaire) en réclamant des sommes d'argent afin de réduire le délai d'obtention de l'acte. Les trois (03) autres personnes mises en cause relèvent du secteur Défense/Intérieur. Ces derniers se sont rendus coupables de faits de concussion dans la délivrance de documents administratifs, pour l'un (1) à la sous-préfecture de Songon et pour les deux (2) autres à la Direction Générale de l'Administration du Territoire (DGAT) où ils ont exigé la somme de cinquante mille francs (50 000 F) CFA à un usager avant l'établissement d'un agrément pour la création d'une association à but non lucratif », a mentionné, la Coordinatrice.
Au troisième trimestre 2022, dix-sept (17) missions de vérification ont été réalisées,11 dans le secteur éducation/Formation/ Sciences/ Étude/ Recherche/ Développement, 05 dans le secteur Défense/Sécurité/Intérieur, et 01 dans le secteur Transport/Logistique.
À l'occasion de ces missions, trois (3) personnes ont été mises en cause dans le secteur Éducation/Formation/Sciences /Étude/Recherche/Développement pour des actes d'extorsions de fond sur des candidats au baccalauréat au groupe scolaire EESGP de Yopougon en échange des téléphones qui avaient été confisquées.
Elle a soutenu que le vendredi 18 et le lundi 21 novembre 2022, l'Inspection générale a mené quatre (04) missions d'investigations concernant le dossier suscité.
Il ressort de ces missions, la saisine du Conseil de Discipline de la Fonction publique a été effectuée, les mises en cause sont sous le coup des mesures conservatoires ; à savoir, la Suspension des primes trimestrielles, le déchargement des services (les tâches quotidiennesw), le Conseil de Discipline a adressé des convocations à comparaitre aux dames suscitées devant ledit Conseil, les mises en causes ont comparu devant le Conseil de Discipline de la Fonction Publique le jeudi 20 octobre 2022, à 10 heures et le verdict est attendu.
La Coordinatrice du SPACIA a assuré que le Commissaire du Gouvernement a été saisi concernant les 9 agents de police mis en cause dans des actes de corruption. Après les enquêtes diligentées par les services internes par le parquet militaire, les mesures et sanctions seront communiqués la semaine prochaine.
En ce qui concerne l'administration territoriale, 3 agents ont été mis en cause dont 2 agents de la Direction Générale de l'administration et du territoire et 1 agent en service à la sous-préfecture de Songon. Les dossiers sont en cours de transmission au Ministère de tutelle.
Fatoumata Ba a enfin annoncé dans le secteur de la justice, deux agents ont été mis en cause au Palais de Justice de Yopougon et celui du Plateau. Le dossier est en cours de transmission.
Wassimagnon
Infos à la une
Communiqués
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire