Côte d'Ivoire : Guézon, un an après l'altercation du « chapeau », retour à la paix, les stratégies mises en place par des jeunes pour consolider l'accalmie
Guézon, localité située à 22 kilomètres de Duékoué (Ph KOACI)
Un an après "la crise du chapeau" à Guézon, localité située à 22 kilomètres de Duékoué, un département de la région du Guémon, à l'ouest de la Côte d'Ivoire, c'est désormais un retour à la paix.
Pour y arriver, plusieurs actions ont été entreprises de part et d'autre pour rétablir la confiance entre les parties au conflit.
Au lendemain de cette malheureuse "crise du chapeau", du 27 décembre 2021, plusieurs missions ont été conduites dans cette localité où vivent plus de 58.000 personnes de différentes communautés. Ces missions, celle du médiateur de la République, menée en janvier 2021, précédée par celle du ministre de la réconciliation et de la cohésion nationale avaient pour but de trouver des solutions pour une paix durable dans cette localité.
Sur place, plusieurs rencontres ont été organisées avec les différentes communautés allochtones ainsi que les jeunes, la société civile, les autorités administratives et militaires.
L'objectif était la recherche de solution de paix durable dans cette localité de l'ouest de la Côte d'Ivoire.
Si des efforts ont été menés pour un retour au calme à Guézon au lendemain de ces affrontements, un an après dans quel climat vivent désormais ces différentes communautés autochtones, allogènes et allochtones ?
Au cours d'un reportage que nous avons effectué en mi-décembre 2021 à Guézon, cette partie de l'ouest de la Côte d'Ivoire, nous nous sommes rendu compte que plusieurs initiatives ont été prises par les populations plus particulièrement par les jeunes des différentes communautés pour consolider cette accalmie et ce retour à la paix.
Les différents jeunes, leurs leaders et les populations qui ont été rencontrés ont non seulement déploré la fâcheuse situation vécue à Guézon il y a un an, mais ils ont confié à KOACI que plusieurs actions et stratégies ont été entreprises pour consolider cette paix.
"Ce que je peux vous garantir, c'est qu'il n'y a plus de problème entre nous et nos frères des autres communautés. Guézon a toujours été une terre d'accueil et dans l'histoire de notre village, l'étranger a toujours est bien accueilli, c'est pour cela, nous regrettons tout ce qui s'est passé le 27 décembre 2020, ici chez nous. Mais tout cela est désormais derrière nous", nous a confié Sylain Niombléi, président central des jeunes de Guézon.
Ce dernier n'a pas manqué de nous raconter cette anecdote : "dorénavant, lors de l'investiture du président des jeunes de Guézon, on lui fait jurer s'il est capable de loger n'importe quel étranger qui arrive à Guezon et qui ne sait pas où aller. Quand ce président ce dit compétent de le faire, son investiture peut ainsi se faire, pour dire que nous avons été constamment une terre d'accueil".
Continuellement pour une consolidation de la paix retrouvée à Guézon, le président central de la jeunesse, nous a fait savoir qu'une ligne de téléphone dite "téléphone vert" existe à présent entre lui et ses autres collègues, présidents des jeunes Malinkés et des autres communautés de la localité.
Une pratique qui a été instituée pour selon lui, éviter les quiproquos et la désinformation de certains faits. À cet effet, la mise à contribution du "crieur public" et des "griots" a été renforcée, comme on a pu le constater.
À Guézon, aujourd'hui, les jeunes des différentes communautés se retrouvent au foyer des jeunes nouvellement construit pour des réunions qui se situent dans un cadre de "conversation permanente", ceci pour réfléchir sur des thématiques qui mettent l'accent sur la participation des jeunes dans la prise des décisions, nous a fait savoir Armel Tidé, un jeune de Guézon.
Également à Guézon des actions mutuelles entre les différentes jeunesses des différentes communautés sont menées pour trouver des activités génératrices de revenus à plusieurs jeunes.
C'est le cas pour ces 70 jeunes de Guézon qui ont été formés du 17 au 19 décembre 2021 aux pratiques de la sécurité routière. À côté de cette initiative, plusieurs autres sont entreprises par les responsables des jeunes des différentes communautés pour l'insertion des jeunes dans des entreprises privées à Guézon. C'est ce qu'a laissé entendre Diabaté, un leader des jeunes Malinké n'a pour sa part, pas manqué d'affirmer qu'un "jeune occupé à faire quelque chose, est à l'abri des manipulations".
Si un an après la "crise du chapeau" à Guézon, l'on peut se réjouir d'un retour à l'accalmie et à la paix dans cette localité, il faut néanmoins toujours mutualiser les efforts pour que ce retour à la paix soit durable.
Pour rappel, dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 décembre 2020, sept personnes ont trouvé la mort, plusieurs autres blessées, près de quarante habitations incendiées ou détruites et d’importants dégâts matériels, dont le camp des masques incendié pour une affaire de chapeau.
Un an après, bien que la paix soit une réalité entre les différentes communautés, il faut tout de même mettre en place des programmes qui impliquent la jeunesse dans le processus de prise de décision.
Des programmes d'éducation des jeunes aux médias et à l'information, la création d'une radio de proximité pour des campagnes de sensibilisation via des animations culturelles, l'instauration d'un cadre permanent de discussion entre des groupes des différentes communautés, pourraient être des pistes de solution pour que des jeunes soient des moteurs de prévention aux discours de haine et des conflits socio-politiques et communautaires.
Car, pour la petite histoire, une femme, un jeune homme et un leader communautaire interrogés indépendamment ont rapporté la même anecdote d'une rumeur de ce qu'à la suite de la fausse information du décès du jeune (dozo, chasseur traditionnel Ndlr) qui circulait déjà, des jeunes malinké étaient sur le point de faire une descente dans les quartiers des jeunes guérés et que ces derniers, également, s'apprêtaient à une riposte.
Tout est donc parti, selon plusieurs témoignages recueillis, des rumeurs.
Il faut noter qu'à Guézon, en l'absence d'une radio de proximité, la plupart des jeunes s'abreuvent à l'information par les biais des réseaux sociaux notamment "Facebook". Les autres canaux informels de circulation de l'information sont les grins, les marchés, les "agoras", des lieux de prédilection des "on dit".
Si à cette période, le 27 décembre 2020, nous étions en pleine période de la désobéissance civile après les élections présidentielles d'octobre 2020, un plaidoyer pour l'emploi des jeunes et la régulation effective des réseaux sociaux, la mise en place des comités d'alerte et de vérification des rumeurs, peuvent constituer des pistes de solution pour prévenir les conflits.
Enfin, il faut que les forces de l'ordre et de sécurité à Guézon se rapprochent plus des populations, car, pour la plupart des jeunes interrogés, le faussé entre les hommes en tenue et eux est tellement creusé qu'à une petite situation de conflit, les hommes en arme sont vus comme des personnes qui prennent parti pour un camp au détriment de l'autre.
Jean Chrésus, envoyé spécial à Guézon
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